Florence Arthaud, co-fondatrice du Trophée Jules Verne, nous a quittés le 9 mars 2015. Sa brutale disparition a saisi de stupeur et de chagrin ses amis… Et tout un pays.
Florence(1)(1) Portrait de Florence par Titouan est, comme Éric Tabarly, l’une des personnalités les plus remarquables du monde de la voile française. Elle partageait notamment avec celui qui fut un maître pour nombre d’entre nous une absence d’a priori sur les choses et sur les gens.
Mue par cette grande ouverture d’esprit, associée à sa passion pour la voile, à son indépendance, à sa générosité et à son courage, Florence a imposé sa présence, comme une évidence, dans un milieu majoritairement masculin.
Lorsqu’elle a remporté la Route du Rhum, en 1990, elle a conquis le respect et la reconnaissance bien au-delà de notre petite communauté des marins. Première femme à avoir remporté une grande épreuve de course au large, Florence incarne un symbole de liberté et de ténacité. Elle a inspiré des vocations. Montré aux femmes de sa génération et aux suivantes tout un univers de possibles, affranchi de frontières que notre société continue d’imposer aux personnes de leur sexe.
Dans ce sens, elle avait récemment créé l’Odyssée des femmes, une course d’équipages entièrement féminins venus des grands ports de la Méditerranée.
C’est cet authentique esprit de liberté qui m’a tout de suite séduit. Florence et moi nous sommes croisés pour la première fois en 1977, sur un quai d’Auckland, lors d’une escale de la Whitbread en Nouvelle-Zélande. Je m’étais reconnu dans ce caractère un peu rebelle. Une amitié fidèle est née ce jour-là.
Nos victoires de l’année 1990 – le Vendée Globe Challenge pour moi et la Route du Rhum pour Florence – nous ont encore rapprochés.
Nous avions alors toute la légitimité et le poids médiatique pour concrétiser des rêves d’aventure océanique que nous considérions bridés par de nouvelles réglementations. La plupart des règlements de course limitaient alors la participation aux bateaux de moins de 60 pieds (18 mètres).
Nous voulions barrer de grands navires comme autrefois. Le Trophée Jules Verne est issu de cette chimère.
Florence s’est trouvée plus d’une fois postée dans la chambre de veille du sémaphore du Créach’, à Ouessant, témoin du départ de géants des mers à l’assaut de son tour du monde en moins de 80 jours. Elle disait alors aux skippers : « Soyez prudents. On croise les doigts et on pense bien à vous. Mais n’allez pas trop vite quand même, on compte bien tenter notre chance après vous ! »
Comme moi, Florence n’a jamais embarqué pour ce tour du monde.
J’aime croire que chaque nouvelle tentative, à la poursuite du Trophée Jules Verne, lui est dédiée.
Titouan Lamazou,
Co-fondateur du Trophée Jules Verne.