Hier midi, à l’issue du briefing météo avec leur routeur Marcel van Triest, Franck Cammas et Charles Caudrelier savaient que leurs chances de s’élancer dans les prochaines heures à l’assaut du Trophée Jules Verne étaient faibles pour ne pas dire infimes : «nous estimons à 5 % de chance la possibilité d’un départ demain, mais d’un fichier à l’autre ce pourcentage peut doubler ou totalement s’écrouler, alors il faut tenter et se laisser quelques heures supplémentaires pour trancher», expliquait le marin aixois. Malheureusement, la patience des six équipiers du Maxi Edmond de Rothschild et de tout le team qui les accompagne n’a pas été récompensée ; pour cette fois tout du moins ! Car si la période consacrée au stand-by dans la quête du mythique record est sérieusement entamée, avec déjà deux mois au compteur et une tentative écourtée fin novembre suite à un choc avec un OFNI, il reste encore plus d’un mois et demi aux hommes du Gitana Team pour concrétiser leurs efforts et tenter de venir détrôner Francis Joyon et son équipage d’Idec Sport, les actuels détenteurs en 40 jours 23 heures 30 minutes.
Aucun des trois critères réunis
Les six marins du maxi-trimaran volant se seraient parfaitement vus tourner la page de cette année 2020 en mer. Mais il en sera autrement ! L’étroite fenêtre visée depuis quelques jours représente trop de zones d’incertitude pour un gain faible, c’est-à-dire des temps de passage intermédiaires trop éloignés des objectifs fixés par le team.
« Hier midi, les probabilités étaient très faibles mais existantes. Nous savions que l’Atlantique Nord ne s’améliorerait pas mais nous pouvions toujours espérer que le Sud en vaille la chandelle. Les derniers fichiers de prévisions météo que nous avons à notre disposition n’ont montré aucune amélioration notable. Les temps de passage à l’équateur sont bien plus élevés que ce que nous visons : de 5 jours 18 heures à 6 jours 10 heures contre les 4 jours 15 heures que nous pourrions légitiment viser avec une belle fenêtre. D’autant que malgré ces temps peu engageants, la route pour y parvenir nous paraît difficile à mettre en œuvre avec un tracé majoritairement côtier et plein d’embûches du fait des chapelets d’îles à négocier. Et désormais s’ajoute à cela que dans le Sud, la transition que nous devons accrocher pour gagner rapidement les latitudes australes ne semble plus acquise. Il y a trop d’aléatoire et pas assez de certitudes pour tenter l’histoire sur cette fenêtre. Ces allers et retours font partie du jeu des records… » , relativisait le co-skipper du Maxi Edmond de Rothschild bien que naturellement déçu de devoir rester à quai encore quelques jours.
Ne pas gâcher ses chances
Les échanges ont été fournis car l’enjeu est important, mais la décision a été unanime ! « Nous pouvons avoir plus d’ambition que ce que nous proposait cette fenêtre. Ce n’est jamais une décision facile de revenir en stand-by mais il ne faut pas gâcher nos chances de battre ce record en voulant partir dans un mauvais timing. Nous avons tous hâte de pouvoir partir et de nous exprimer sur ce parcours, c’est ce qui rend l’attente assez longue… Et la météo n’est pas des plus simples cette année. Depuis le début nous devons composer avec un Atlantique Nord plutôt atypique pour la saison. Il y a des dépressions qui descendent très Sud, elles se promènent vers les Açores et dans l’Ouest des Canaries. Cette configuration météo rend notre tâche plus compliquée car bien souvent nous avons des situations favorables pour quitter la pointe bretonne mais des ruptures dans le régime d’alizés de l’hémisphère Nord qui hypothèquent sérieusement une course de vitesse vers les latitudes Sud… » concluait Franck Cammas, récemment élu marin de la décennie par la Fédération Française de Voile.
A ce stade de leur stand-by sur le Trophée Jules Verne, les hommes de Gitana 17 doivent être particulièrement vigilants et ne pas confondre vitesse et précipitation… Ce proverbe prend aujourd’hui tout son sens, comme l’expliquait Charles Caudrelier : « La date de fin de stand-by approchant, nous ne pouvons pas nous permettre de partir pour un essai, il faut que ça soit la bonne ! »