Meilleur chrono de tous les temps à la pointe sud-africaine, en hommage à Benjamin de Rothschild

En laissant dans son sillage la longitude du cap des Aiguilles, ce jeudi 21 janvier à 16h37’53’’, le Maxi Edmond de Rothschild fait officiellement son entrée dans l’océan Indien. Après 11 jours 14 heures et 3 minutes de mer, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers attaquent les mers du Sud avec plus de 1 jour 7 heures et 19 minutes d’avance sur Francis Joyon et les hommes de Idec Sport. Ils deviennent ainsi les marins les plus rapides de l’histoire sur cette descente de l’Atlantique ; un temps canon qu’ils dédiaient naturellement au baron Benjamin de Rothschild, disparu quelques jours auparavant.

 

 

Deux caps et deux nouveaux temps de référence 

Cette douzième journée de mer aura permis au Maxi Edmond de Rothschild d’ouvrir le tableau de chasse de son Trophée Jules Verne. Partis de Ouessant le 10 janvier à 2h33’46’’, les six marins franchissaient la longitude du cap de Bonne-Espérance ce jeudi midi, à 12h27’46’’ après 11 jours 9 heures et 53 minutes de mer. Ils amélioraient ainsi de 11 heures et 55 minutes le chrono établi par l’équipage de Banque Populaire en 2012 sur le Trophée Jules Verne. A noter aussi, que jusqu’à ce 21 janvier, le chrono absolu sur ce tronçon était détenu par un solitaire en 11 jours 20 heures et 10 minutes. Il s’agissait de François Gabart qui, en 2017, signait une performance ahurissante à la pointe de l’Afrique du Sud.

 

Quatre heures plus tard, à 16h37’53’’, Franck Cammas, Charles Caudrelier, David Boileau, Erwan Israël, Yann Riou et Morgan Lagravière réitéraient au cap des Aiguilles et basculaient dans l’océan Indien, toujours avec le meilleur temps de référence mais surtout avec 1 jour 7 heures et 19 minutes d’avance sur l’actuel détenteur du Trophée Jules Verne.

 

« Moins de 11 jours 10 heures pour aller à Bonne Espérance c’est quand même bien, ça veut dire que la fenêtre était bonne, on a bien fait de la prendre ! Après on a toujours l’impression d’avoir perdu du temps sur le chemin, notamment dans le Pot-au-Noir, mais bon, on est content d’être là et à ces vitesses-là. Maintenant on attaque la partie difficile, » confiait Franck Cammas à la caméra de Yann Riou.

 

 

Dans le grand bain du tour de l’Antarctique  

Le Maxi Edmond de Rothschild vit les premiers milles de sa carrière dans les mers australes, tout comme David Boileau et Morgan Lagravière qui débutent leur première traversée de l’Indien. Mais l’équipage le sait bien, c’est ici que les choses sérieuses commencent ! Tout d’abord, parce que sur cette longue portion du parcours dans les mers du Sud, Francis Joyon et son équipage ont été magistraux et ont clairement fait la différence grâce à une trajectoire proche de la perfection ; 5 jours 21 heures pour dévaler l’Indien puis 7 jours 21 heures pour saluer le cap Horn… Mais aussi parce que les hommes du Gitana Team plongent vers des latitudes où il n’est jamais anodin de naviguer. « C’est un beau premier temps puisque c’est le record absolu sur ce parcours entre Ouessant et la pointe de l’Afrique du sud. Même si c’est un record qui ne compte pas beaucoup, il est important pour nous parce qu’il nous permet de franchir ce passage avec presque 1 jour et demi d’avance sur le record du Trophée Jules Verne détenu par Francis Joyon et c’est l’objectif qu’on s’était fixé. Puisqu’ensuite Francis a eu des mers du Sud complètement dingues et on a très peu de chance de trouver ça. Et d’ailleurs nous n’aurons pas un océan Indien aussi rapide donc nous sommes ravis d’avoir cette marge-là qui est à peine suffisante pour rester devant lui ou avec lui à la sortie je pense. Donc notre premier objectif n’est pas trop mal réussi ! Et le bateau est en parfait état, et ça c’est l’essentiel ! » concluait Charles Caudrelier.

 

En hommage à Benjamin de Rothschild, notre armateur disparu

Depuis vendredi dernier, le Gitana Team, l’écurie de course au large qu’il a fondée avec son épouse Ariane de Rothschild en 2000, est endeuillé par la disparition de son armateur. À notre manière, depuis le large qu’il aimait tant, nous avons souhaité lui rendre un dernier hommage. Ces nouveaux temps de référence, les meilleurs chronos de tous les temps sur cette partie du parcours, nous voulions les lui dédier et les offrir à Ariane de Rothschild et à leurs quatre filles en son honneur.

 

« Le sillage du Maxi Edmond de Rothschild marquera l’histoire des bateaux volants et de la course au large. Nous ne remercierons jamais assez Benjamin de Rothschild de nous avoir embarqué dans cette aventure incroyable et d’avoir cru en ce projet et en notre équipe pour le concrétiser. Il a su transformer son héritage avec audace et passion. Nous mesurons chaque jour notre chance d’en faire partie et d’écrire de nouvelles pages dans cette lignée unique au monde », déclarait Cyril Dardashti, le directeur du Gitana.

Ouessant – Bonne Espérance, un nouveau temps de référence au tableau de chasse du Maxi Edmond de Rothschild

Parti de Ouessant le 10 janvier à 2h33’46’’, le Maxi Edmond de Rothschild a franchi la longitude du cap de Bonne-Espérance le 21 janvier à 12h27’46’’ après 11 jours 9 heures et 53 minutes de mer. Franck Cammas, Charles Caudrelier, David Boileau, Erwan Israël, Yann Riou et Morgan Lagravière s’adjugent le nouveau de temps de référence sur la descente de l’Atlantique en améliorant non seulement le chrono en équipage, celui de Banque Populaire établi en 2012 sur le Trophée Jules Verne, en 11 jours 21 heures 48 minutes (11 heures et 55 minutes de mieux) mais aussi celui de Francois Gabart en solitaire. Le skipper de Macif détenait jusqu’à ce midi, le record absolu sur ce tronçon en 11 jours 20 heures et 10 minutes.

 

 

Un autre cap attend l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild, celui des Aiguilles, dans quelques milles. Cette référence moins connue est pourtant toute aussi importante car c’est seulement à sa longitude que démarre l’océan Indien et le record de ce dernier est homologué par le WSSRC (World Sailing Speed Record Council).

Premier grand cap dans la journée

Toute la nuit, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild a dû composer avec des conditions instables pour faire progresser le géant de 32 mètres vers les portes de l’océan Indien. Dans une mer courte, où le bateau accélère et décélère dans chaque vague, le pilotage de nuit n’est pas des plus aisés, d’autant que le vent faiblissant n’a pas manqué de conserver quelques belles rafales pour corser l’affaire. Il fallait être aux écoutes cette nuit sous la casquette du maxi-trimaran volant bleu. Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers ont été chercher un point de pivot vers le Nord avant d’empanner, sur les coups de 5 heures, et de repiquer vers le Sud et les quarantièmes. Malgré du terrain concédé à leur adversaire virtuel ces dernières heures, au pointage de 8h, les hommes du Gitana Team conservent 821 milles d’avance sur le détenteur du record ; une belle marge pour franchir le premier grand cap de ce tour du monde à la voile.

 

 

Un premier temps aux Aiguilles ? 

En fin de semaine dernière, le temps à l’équateur leur avait largement filé entre les mains après un passage de Pot-au-Noir des plus coriaces, qui avait retenu le dernier-né des Gitana plus de 24 heures entre ses griffes. Ce jeudi, le duo Cammas-Caudrelier et leurs équipiers pourraient bien signer un premier chrono entre Ouessant et le cap des Aiguilles – quelques milles plus à l’Est que le cap de Bonne-Espérance – même s’il ne s’agirait pas d’un record homologué par le WSSRC (World Sailing Speed Record Council).
À la conquête du Trophée Jules Verne, c’est pour l’heure l’équipage de Banque Populaire V, mené par Loick Peyron, en 2012, qui s’est montré le plus rapide sur ce tronçon en parcourant les 6 160 milles théoriques en 11 j 23h 50 min. Mais c’est un solitaire, en la personne de François Gabart, lors de son Saint-Exupéry en 2017, qui détient le record absolu sur cette première partie du parcours planétaire. Le skipper de Macif avait passé la pointe sud-africaine après 11 j 22 h 20 min. Pour mémoire, les six marins du Maxi Edmond de Rothschild ont franchi la ligne de départ de leur tentative sur le Trophée Jules Verne le 10 janvier dernier à 2h33’46’’.

 

Actuellement à 200 milles dans l’ouest de la longitude 20° Est, celle du cap des Aiguilles, lancé à plus de 35 nœuds au dernier pointage, Gitana 17 devrait basculer dans l’Océan Indien en début d’après-midi.

À 500 milles de l’Indien

Les hommes du Maxi Edmond de Rothschild s’apprêtent à quitter les eaux familières de l’océan Atlantique pour dévaler celles moins hospitalières de l’océan Indien. Demain, à la mi-journée, Franck Cammas, Charles Caudrelier, David Boileau, Erwan Israël, Morgan Lagravière et Yann Riou devraient en effet franchir la longitude du cap des Aiguilles, qui marque l’entrée dans les mers australes. Si les hommes du Gitana Team maintiennent le rythme qu’ils impriment depuis plus de trois jours, c’est avec un beau chronomètre à la clé qu’ils concluront ce tronçon de près de 6200 milles (soit environ 10 000 km).

 

 

Il ne faut pas toujours se fier aux apparences… Malgré les vitesses moyennes de plus de 33 nœuds qu’affiche le maxi-trimaran volant sur les dernières 24 heures, les six marins du bord s’emploient à ralentir au mieux le géant qui ne demanderait pourtant qu’à accélérer. Dans un vent compris entre 30 et 35 nœuds, avec des rafales à plus de 45 nœuds qui viennent claquer dans les voiles, et par une mer courte et croisée, l’heure n’est pas aux excès de vitesse mais bien au dosage et à la préservation du matériel. « Nous cherchons les freins depuis quelques heures », nous confiait même Charles Caudrelier.

 

Après dix jours et demi de mer, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild profitait à 16h d’une belle avance sur la trace de son adversaire virtuel, plus de 950 milles. Mais à observer la carte de plus près, c’est dans les prochaines heures que Francis Joyon et ses hommes, les actuels détenteurs du trophée Jules Verne, débuteront leur incroyable chevauchée en ligne droite vers le Pacifique ; une trajectoire limpide et implacable qui avait permis un record de haut vol dans l’Indien. Autant dire que le match ne fait que commencer.

 

Les Maxi-sons du Large, un podcast du Gitana Team

À l’affût dans le raffut, Yann Riou, régleur et équipier média, tend le micro à ses partenaires de navigation extrême sur le Trophée Jules Verne. Une belle invitation sonore à partager le quotidien hors normes des six marins engagés dans la chasse au record de vitesse autour des mers du globe.

 

La saison 1 de notre podcast, consacrée à la descente de l’Atlantique qui constitue le premier quart du parcours planétaire en temps, se conclut avec ce 3e épisode. Les hommes du Maxi Edmond de Rothschild sont aux portes du Grand Sud. Demain, jeudi 21 janvier, avec le franchissement de la longitude du cap des Aiguilles à la pointe sud-africaine, les six marins et leur maxi-trimaran volant basculeront dans l’océan Indien.

 

À quelques heures de cette grande première pour lui, David Boileau, boat captain et équipier, nous fait partager un moment de vie dans les quarantièmes rugissants. Dans une mer formée, où le géant de 32 mètres part en surf ou à l’inverse vient buter dans les vagues qui se dressent devant ses étraves, les simples gestes du quotidien réclament une attention de tous les instants. Car dans une machine de carbone lancée à plus de 30 nœuds en permanence et pensée avant toute chose pour la performance et non pour le confort de navigation, la chute, le vol plané ou pire la blessure ne sont jamais loin.

 

 

David Boileau, le 20 janvier 2021, dans les quarantièmes

« Là c’est magnifique autour de nous ! Un ciel bleu, du soleil et des reflets dans la mer bleu clair je dirais. Il y a beaucoup de mer, du vent et le bateau glisse à 30 – 35 nœuds.  C’est super joli ! Mais effectivement au-delà de la carte postale ce n’est pas toujours super confortable à bord. Avec la mer là, ça a tendance à s’arrêter brutalement dans les vagues, il faut bien se tenir à l’intérieur du Maxi et surtout être prudent quand on se déplace pour ne pas se laisser surprendre. Ce matin par exemple, je me suis coupé le doigt alors que j’étais au niveau de la cuisine, en bas dans la coque centrale, en m’accrochant pour ne pas tomber. Je me suis accroché sur une vis.

 

D’ailleurs, quand on cuisine, pour éviter de se faire éjecter, nous avons une sangle que nous passons autour de notre taille. Mais ce matin lors de mon incident je n’étais pas en cuisine, juste de passage dans cette zone en sortant de mon quart de repos à l’arrière dans les bannettes qui se situent sous le cockpit. Niveau sonore, oui c’est toujours très bruyant. On entend l’eau qui glisse le long des coques ou tape contre et puis le sifflement des appendices. Mais ce bruit est un bon repère et nous permet justement pas mal d’anticiper les mouvements du bateau. Aux vibrations de la coque, on sent l’accélération et on imag ine la décélération qui va suivre inévitablement derrière. À ce moment-là, tout le monde s’accroche à ce qu’il a sous la main pour amortir le planté ! Le bateau est également bien sollicité, dans une mer assez courte, depuis trois jours. Nous y sommes très attentifs et nous faisons ce qu’il faut en termes de vitesse pour préserver au maximum le matériel. »

Sur le dos de la dépression

Vagues courtes et flux de nord-ouest de plus de 30 nœuds, il n’y pas de doute ce matin, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild est bien entré dans le vif du sujet des quarantièmes. Malgré ces conditions musclées, qui ne facilitent pas le passage du géant dans la mer, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs équipiers sont parvenus à maintenir des vitesses élevées toute la nuit. Cette cadence soutenue, mais parfaitement dosée pour préserver le matériel, leur permet d’augmenter significativement leur avance sur Idec Sport en 24 heures. Au pointage de 8h, le dernier-né des Gitana filait vers Bonne-Espérance et l’entrée de l’océan Indien, 952,4 milles devant les étraves de leur adversaire virtuel.

 

 

Depuis plus de 48 heures, et sa connexion millimétrée avec le train de dépressions australes, le Maxi Edmond de Rothschild a pu allonger la foulée et démontrer une partie de la puissance de sa cylindrée. Des vitesses certes grisantes mais qui n’ont rien enlevé au pragmatisme et à la lucidité des deux skippers, tandis que plus de 16 000 milles restent encore à parcourir : « Nous n’en sommes qu’au début de ce tour du monde. Sur le tronçon entre Rio et Bonne Espérance, les conditions étaient bien sûr propices à un record des 24 heures mais il ne faut pas se tromper d’objectif. Les navigations à hautes vitesses sollicitent déjà bien le matériel et les systèmes mais celles à très hautes vitesses sont un risque supplémentaire qu’il n’est pas utile de prendre à ce stade de notre Trophée Jules Verne », rappelait Franck Cammas.

 

Hier, dans les derniers messages du soir entre le bord et leur routeur Marcel van Triest, l’heure était aux configurations de voiles pour la nuit et à la mise à jour des prévisions météo : « Dans la nuit et les heures suivantes, le vent pourrait forcir pas mal avec notamment de possibles rafales au-delà des 40 – 45 nœuds. Il faut garder cela en tête pour rester dans une configuration prudente en termes de voile d’avant.»

 

Avec un passage du cap des Aiguilles prévu pour la journée de demain, jeudi 21 janvier, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild impose son rythme et prouve qu’il est parfaitement dans le bon tempo. En effet, selon l’heure exacte de franchissement de la pointe sud-africaine, les six marins pourraient bien s’offrir le premier chrono de leur record autour du monde. D’ici là, une nouvelle journée de navigation musclée et humide les attend dans les quarantièmes rugissants.

À grandes enjambées vers Bonne-Espérance

Dans un timing parfait et à la barre d’un géant à 100 % de son potentiel, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild a débuté dimanche soir, après sept jours de mer, la traversée de l’Atlantique Sud en direction de Bonne-Espérance, le premier des trois grands caps du Trophée Jules Verne. Depuis que le maxi-trimaran volant a laissé les côtes brésiliennes dans son sillage, les milles défilent à très hautes vitesses. Cet après-midi, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers ont fait leur entrée dans les quarantièmes, ces latitudes baptisées rugissantes par les marins pour les conditions musclées qu’elles offrent à ceux qui s’y aventurent. Et il faut dire que désormais, le flux de nord-ouest a pris du coffre pour souffler au-delà des 30 nœuds. C’est dans cette ambiance que les hommes du Gitana Team poursuivent leur chasse au record, avec dans leur viseur un premier chrono qu’ils savent à leur portée, au cap des Aiguilles.

 

 

Avec leur routeur Marcel van Triest, le duo Cammas-Caudrelier a remporté son premier coup sur l’échiquier océanique. En parvenant à se positionner parfaitement sous l’anticyclone de Sainte-Hélène et en avant d’un front puissant en route vers le tour de l’Antarctique, ils ouvrent une voie royale à leur équipage. Sur les dernières 24 heures, ils ont maintenu une vitesse moyenne de plus de 35 nœuds leur permettant ainsi d’avaler 846 milles.

 

Aux portes du Grand Sud 

Depuis leur départ de Ouessant, les hommes du Maxi Edmond de Rothschild vivent les quatre saisons en mode accéléré, oscillant du froid au chaud à parfois quelques heures d’intervalle. En plongeant vers les mers australes, les navigateurs savent que leurs conditions de vie à bord vont se durcir, ils s’y préparent. Et c’est aussi pourquoi le soleil et l’ambiance de glisse dont ils ont pu bénéficier hier alors qu’ils naviguaient par plus de 30° sud ont été vécus avec tant de plaisir : « Hier, nous avons connu 24 heures assez dingues. Bénéficier de telles conditions ensoleillées à ces latitudes et d’une mer plate qui nous a permis de progresser à très hautes vitesses ; plus de 800 milles dans la journée… Incroyable ! J’ai eu la chance d’en profiter à double titre avec de bonnes poussées d’adrénaline. Nous avons décidé de faire un vol de drone et dans le même quart j’ai profité de 40 minutes de barre exceptionnelles. Dans des moments comme ceux-là… il n’y a pas de doute, on sait pourquoi on est venus ! » insistait Yann Riou avant de décrire l’ambiance et la vie du bord en avant de la dépression : « Nous nous changeons petit à petit. Il ne fait pas encore froid la journée, même si la nuit nous remettons nos polaires et les duvets avec plaisir, mais l’ambiance est clairement plus humide. Du coup, les cirés et les bottes font à nouveau partie de la panoplie sur le pont. L’avantage est que la transition vers le froid va se faire progressivement, d’un point de vue vestimentaire tout du moins. »

 

 

Depuis le début de ce 10e jour de tentative, comme prévu le vent a forçi, accompagné par une mer courte et croisée qui se forme également petit à petit. Cet après-midi, le dernier-né des Gitana naviguait dans un bon flux de nord-ouest d’une trentaine de nœuds mais continuait sa belle chevauchée vers la pointe de l’Afrique du Sud. Avec 792 milles d’avance sur le record de Francis Joyon, les hommes du Gitana Team savent qu’ils sont dans le bon tempo mais restent lucides et particulièrement concentrés : « Idec a fait un Indien exceptionnel avec une route idéale sans empannages et des journées à plus de 800 milles parcourus… Nous savions qu’il fallait arriver à la pointe de l’Afrique du Sud avec une belle avance pour se battre après à armes égales », rappelait Franck Cammas.

 

Comme sur la Brest Atlantiques, il y a un peu plus d’un an, le géant de 32 mètres ne passera pas très loin des îles « perdues » de l’Atlantique Sud, celle de Tristan Da Cunha et sa voisine la plus proche Gough Island.

À hautes vitesses en avant de la dépression

Depuis 24 heures, et leur virage vers l’est parfaitement maîtrisé au large du Brésil, les hommes du Maxi Edmond de Rothschild ont clairement allongé la foulée. En permanence au-dessus de 30 nœuds et le plus souvent proche des 35-40 nœuds, les six marins du bord voient les milles défiler à vitesse grand V et leur avance accroître sur le record du Francis Joyon. Ils possédaient un crédit de 732 milles au pointage de 8h, contre 442 milles hier à la même heure. Mais c’est aujourd’hui que l’ambiance et le décor vont réellement changer à bord. Le grand ciel bleu devrait laisser place à des conditions plus agitées en avant du front et les t-shirts et shorts, que portait encore hier après-midi l’équipage sur le pont, devraient regagner les sacs pour un moment.

 

 

Pureté de trajectoire 

Depuis sa sortie du Pot-au-Noir vendredi dernier, la trajectoire du dernier-né des Gitana est limpide. Il faut saluer dans ce dessin, le travail de la cellule météo du Gitana Team, à commencer par Marcel van Triest, le routeur de l’écurie aux cinq flèches. Depuis son QG Méditerranéen, il a visé juste ! En partant de Ouessant sur la fin d’un créneau météo il y a plus d’une semaine, le néerlandais avait en effet parfaitement en tête la connexion qu’est parvenu à prendre le Maxi Edmond de Rothschild dans la journée hier. Un formidable travail d’équipe car encore fallait-il tenir les polaires du géant de 32 mètres et s’aligner sur la météo comme la théorie l’imaginait.  « Il ne fallait pas arriver trop tôt dans le Sud sous peine de devoir patienter en gare pour attendre le train des dépressions. Là je dirais que nous sommes parvenus à être dans un très bon timing au niveau de cette transition. Nous avions ce schéma en tête, c’est bien quand ça se passe comme prévu ! » confiait Marcel van Triest non sans humour.

 

Vent fort pour l’entrée dans les 40e   

« Le vent va bien adonner en tournant à l’Est et nous allons finir aux allures portantes en fin de journée », nous confiait hier Franck Cammas. « Puis le vent va bien forcir jusqu’à l’Afrique du Sud. La visibilité va changer à l’avant du front même si l’état de la mer restera correct assez longtemps, ce qui va nous permettre de faire de très belles moyennes en exploitant le bateau à son plein potentiel. Nous sommes à 100 % et c’est important de l’être en abordant ce tronçon. Les prochains jours sont une question de dosage. Il ne faut pas être trop rapides mais pas trop lents non plus pour bien rester devant le front. Nous devrons rester dans un secteur de force et de direction de vent correct. Pour cela il faut ajuster sans cesse la vitesse et le cap du Maxi en fonction de la vitesse et de la direction du front qui nous propulse vers les mers du sud. »

 

Cette partie du parcours du Trophée Jules Verne est connue pour offrir l’opportunité d’un autre record, celui des 24 heures ! Et bien que tous les ingrédients semblent réunis actuellement dans l’Atlantique Sud, entre Rio de Janeiro et Cape Town, les skippers du Maxi Edmond de Rothschild restent clairs sur leur stratégie, comme le rappelait Franck Cammas : « C’est tentant de se laisser griser par la vitesse et les performances que peut largement aller chercher le bateau mais nous ne sommes qu’au début de notre tour du monde et nous devons penser à une gestion à long terme du Maxi Edmond de Rothschild. Le record des 24 heures n’est pas notre objectif premier, c’est le Trophée Jules Verne que nous visons. »

 

Le record de la distance en 24 heures en équipage est détenu depuis le 1er août 2009 par Pascal Bidégorry et les hommes de Banque Populaire V. C’était à l’occasion d’un record de la traversée de l’Atlantique Nord et ils avaient parcouru 908,2 milles à la vitesse moyenne de 37,84 nœuds ; ce chrono fabuleux tient toujours même s’il a été plusieurs fois menacé.

Accélération par 30° Sud

Après deux journées de transition relativement paisibles le long des côtes brésiliennes, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild a commencé à mettre de l’est dans sa route, incurvant ainsi progressivement la trajectoire du géant de 32 mètres vers le point d’entrée des mers du Sud, le cap de Bonne-Espérance. Très rapides sur les quatre dernières heures avec plus de 35 nœuds de moyenne au pointage de 8h, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers ont aussi profité de la nuit pour accroître encore leur avance sur l’actuel détenteur du record avec 442 milles de crédit ce lundi matin. À bord du maxi-trimaran volant, nous l’avons compris la cadence va s’accélérer dans les prochaines heures tandis que la température va baisser au fur et à mesure que les six marins plongent vers les latitudes sud.

 

 

Depuis leur sortie du Pot-au-Noir vendredi dernier, les six marins du Maxi Edmond de Rothschild ont bénéficié de conditions de navigation clémentes tout au long du week-end. Ils ont su se montrer rapides sur un long bord bâbord amure au large des côtes brésiliennes, sans pour autant forcer que ce soit sur la machine ou encore sur les hommes. Des performances que nous commentait Franck Cammas : « nous avons tenu des moyennes élevées à des allures qui normalement ne permettent pas d’aller si vite. Nous savions que le Maxi Edmond de Rothschild était capable de cela mais c’est toujours mieux d’en avoir la confirmation sur l’eau. L’une des forces de ce bateau volant c’est d’être véloce à des allures serrées, comme celles que nous venons de connaître durant trois jours. »  Malgré la vitesse constante, les hommes du Gitana Team ont profité d’une mer ordonnée et de températures chaudes mais très agréables pour se reposer mais aussi faire le tour du bateau et vérifier la plateforme et les systèmes avant leur plongée vers le Grand Sud.

 

Changement d’ambiance annoncé 

« Il fait nuit noire et nous avançons très vite à bord du Maxi Edmond de Rothschild. Le bateau est sous pilote, calé à 35 nœuds, offrant régulièrement des pointes à 39, 38 nœuds à l’équipier de quart qui a les mains sur le chariot de grand-voile, prêt à choquer si besoin était », débute ainsi son message de la nuit Yann Riou, notre équipier média, avant de poursuivre sa carte postale en compagnie d’un des skippers du bord, Franck Cammas : « Nous sommes par 30° sud, il va nous falloir encore gagner en longitude mais nous approchons doucement du début de notre tour de l’Antarctique et des Mers du Sud. Cette nuit, j’ai remis ma polaire que j’avais quitté au sud des Canaries, c’est un premier signe du changement d’ambiance que nous sommes en train de vivre. Les températures ont chuté rapidement car hier au large de Rio nous avions encore très chaud sur le pont. Le vent va forcir et devenir plus portant d’ici une dizaine d’heures ! »

 

Après plus de 5 500 milles parcourus sur le fond depuis le départ de Ouessant, à la vitesse moyenne de 28 nœuds, l’équipage mené par Franck Cammas et Charles Caudrelier est en passe d’atteindre l’un des premiers objectifs qu’il s’était fixé. En effet, la coordination avec le train des dépressions australes est un point capital de ce début de record, un vrai passage à niveau pour aborder l’océan Indien dans des temps compétitifs. Les six marins ont su parfaitement respecter le timing de ce premier grand rendez-vous.

Du Trophée Jules Verne au K2, l’art du routage au sommet

Et si on regardait le Trophée Jules Verne au regard du sommet qu’il représente dans le monde de la course au large ? Sur son parcours planétaire, avec le chronomètre pour implacable adversaire, ce record compte sans nul doute parmi les reliefs les plus durs à gravir à la voile. Le challenge entrepris par les hommes du Gitana Team est immense ; à la hauteur de cette circumnavigation menée au pas de charge pour enrouler la planète en moins de 40 jours et 23 heures. En haute mer comme en haute montagne, les défis qui repoussent les limites de la performance humaine ont ceci en commun d’être particulièrement tributaires de la météo. Leur réussite est intimement liée à cette composante et au bon vouloir de la « Nature » qui a toujours le dernier mot. Pas étonnant donc que ces deux disciplines, quand elles s’expriment sous le signe de l’exploit sur la crête des vagues ou sur le toit du monde, ont la spécificité de donner lieu à une activité de routage météo à distance. Un art, une science à part entière où prime l’expertise, dont Marcel van Triest qui accompagne le Maxi Edmond de Rothschild dans sa navigation autour du globe, et Yan Giezendanner, ce prévisionniste qui a routé vendredi une ascension historique à la conquête du K2 en hiver, nous livrent quelques secrets…

 

 

Sorcier des mers Vs gourou des cimes 

Dans sa conquête du Trophée Jules Verne, c’est en lien étroit et permanent avec Marcel van Triest, que l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild trace aujourd’hui son sillage en direction des mers australes qu’il devrait rejoindre dans quelques jours. Ce Néerlandais polyglotte est le 7e Homme de l’équipe aux cinq flèches. Il est cet équipier à part, qui a fait des tours du monde et des navigations sous les latitudes hostiles du Grand Sud sa grande spécialité et sa marque de fabrique. Depuis son QG méditerranéen, il est embarqué par procuration dans la tentative menée par les six membres d’équipage du dernier-né des Gitana. Dans cet objectif, il doit trouver la voie magique, « cette route optimale, non pas forcément la plus courte, mais la plus rapide, » qui donne toutes ses chances au géant de 32 mètres de mener une course à succès. À ce niveau là, la moindre heure de navigation compte sur ce parcours de près de 22 000 milles nautiques (40 744 km). C’est dire le niveau d’exigence du pari engagé et de l’importance revêtue par la lecture de la météo océanique ; une spécialité qui reste l’apanage de quelques rares experts dans l’art de déchiffrer les cartes et les modèles de toutes les mers du monde qui n’en forment qu’une.

 

« Le routeur, c’est un peu l’homme des cavernes reclus, totalement confiné, qui vit relié à ses ordinateurs, qui reste à l’écoute du bateau 24 heures sur 24, sept jours sur sept. En période de routage, je ne dors donc jamais plus d’une heure d’affilée. J’ai beaucoup d’alarmes autour de moi que je règle en fonction des performances attendues dans les conditions qu’il rencontre. Si l’équipage veut me réveiller, il peut aussi freiner d’un coup le bateau… Ça marche très bien ! » explique Marcel van Triest qui vit et travaille aujourd’hui au tempo du Maxi Edmond de Rothschild, dont il suit la route à la trace, à l’écoute de la progression affichée par les données qu’il reçoit en continu et temps réel. « Deux fois par jour, matin et soir, j’envoie à bord une synthèse, un schéma des grandes lignes pour une approche globale que je construis autour d’une trentaine de modèles pour les huit à dix jours qui viennent. L’un des enjeux au-delà de la sécurité, c’est d’éviter de se retrouver dans un cul-de-sac, dans une situation où il n’y a pas de sortie. Il faut toujours que j’ai un coup, ou plutôt un océan d’avance, » précise ce spécialiste du Trophée Jules Verne, routeur des deux derniers équipages ayant établi un temps de référence faisant date sur le parcours planétaire, celui de Loïck Peyron en 2012 et celui de Francis Joyon établi en janvier 2017.

 

À la conquête d’un sommet historique de l’alpinisme   

En altitude, Yan Giezendanner, ce prévisionniste de 66 ans qui affiche 43 ans de bons et loyaux services chez Météo France, a toujours dévolu ses talents à l’univers de la montagne. Depuis son camp de base à Chamonix, il travaille aussi les yeux rivés sur ses écrans d’ordinateurs qui s’éteignent rarement. Mais son esprit, lui, est tendu vers les cimes les plus élevées de la planète qu’il gravit par routages interposés. De la chaîne de l’Himalaya, au McKinley en Alaska, en passant par l’Antarctique et la Patagonie… Celui que les alpinistes chevronnés appellent le « troisième de cordée », affiche un palmarès long comme un jour sans vent dans le Pot-au-Noir.
Avec au compteur une vingtaine d’Everest et une kyrielle de sommets dont il connait toutes les voies et les caractéristiques, Yan Giezendanner est aujourd’hui le seul français à avoir fait les « quatorze 8 000 mètres ». Ce météorologue hors pair a permis aux meilleurs alpinistes d’y accéder. « Ces 8 000, je les connais. Je sais par où il faut passer, quelles sont les constantes climatiques et pourquoi elles ont lieu… Je fais des différences entre l’Everest, le Makalu, le McKinley, le Fitz Roy, et bien sûr le K2, le plus nord des 8 000 m », détaille ce fin observateur. Pour en témoigner, la voie prestigieuse qu’il vient de signer à travers un routage conduisant une expédition népalaise à la conquête du deuxième plus haut sommet du monde (8 611 mètres), le redoutable K2, qui n’avait encore jamais été conquis en hiver, ne peut mieux tomber. À pic pour illustrer un palmarès météorologique qui s’étoffe au fil des années dédiées à la haute montagne.

 

Dans le massif Karakoram au Pakistan, cette montagne particulièrement hostile a résisté pendant plus de 15 ans à tous les assauts entrepris en saison hivernale. Pour l’atteindre, il faut longer un glacier colossal et s’approcher de la frontière chinoise. Là, entre les deux pays, la montagne s’élève, pyramidale, vertigineuse, dans le ciel glacial, où les températures flirtent avec les -50° et peuvent atteindre les -60° sur les parties sommitales. « C’est un challenge extraordinaire que viennent de relever ces Népalais. Une grande première mondiale sur le dernier grand défi à relever en Himalaya. Cette ascension comporte énormément de risques à cause du froid, du mal aigu des montagnes, des chutes, des avalanches, des erreurs d’itinéraires… » justifie celui qui vient une nouvelle fois de faire la preuve de la pertinence de ses prévisions, au terme d’une ascension officiellement accomplie ce samedi 16 janvier. « Cela faisait plusieurs jours que j’observais une fenêtre de montée pour ces montagnards qui s’étaient bien acclimatés ces dernières semaines. J’ai vu le beau temps arriver et j’ai pu leur donner le top départ en leur indiquant le bon moment pour partir dans cet ultime parcours pour rejoindre ce sommet dangereux. C’était le dernier défi à relever en Himalaya, c’est une réussite qui fait forcément très plaisir.»

 

Au bon vouloir du Jet Stream   

« Mon travail est très similaire à celui qui peut être fait par un routeur d’expédition maritime, à cette différence près qu’en voile la veille météo est constante, le suivi permanent, sans interruption ce qui rend les choses un peu plus complexes », complète ce météorologue des plus hautes cimes qui doit néanmoins éviter son lot d’écueils jalonnant le terrain dans cet univers hostile : les barrières de serac ou les crevasses dont les traversées peuvent retarder énormément, en ascension comme en descente.
« J’ai commencé le routage des alpinistes dans les années 80, à l’époque où ils enchaînaient les grandes voies comme le Cervin, les Grandes Jorasses… En 1995, avec l’arrivée d’Internet, j’ai pu envoyer des informations à des montagnards qui entreprenaient des ascensions dans l’Himalaya, mon activité de routage à distance s’est vraiment développée à ce moment là », précise celui qui passe son temps aujourd’hui à épier les mouvements et les évolutions du Jet Stream. « Sur l’Himalaya qui se situe à 35° de latitude nord, je me bats en permanence avec ce puissant courant de vent qui peut souffler en altitude de 50 à 250 km/h (de 27 à 135 nœuds). Le Jet fait le tour de la Terre. Je suis ce Jet qui ondule, qui fait des virages. Au niveau de la cassure de ces virages, il n’y a plus de vent ; et c’est là qu’une bonne météo s’est présentée pour rejoindre les 8 611 mètres du K2 », raconte ce passionné de haute montagne qui se réjouit des progrès réalisés en matière d’équipement, dans l’apport en oxygène ou encore dans la précision des prévisions météorologiques, gage d’une sécurité renforcée dans la pratique de ce sport à hauts risques.

 

Dans ses échanges avec les alpinistes dont il suit les cordées, c envoie, par email, et sur téléphone satellite ses bulletins météo quotidiens, indiquant le temps qu’il va faire et les différents épisodes attendus (chutes de neige, passages de brouillard…) Mais, à la différence de Marcel van Triest qui privilégie les communications écrites par messagerie qui peuvent être relues tout en en évitant des pertes d’informations dans le vacarme ambiant d’un géant en cavale à bride abattue, le routeur de haute montagne passe, lui, des coups de fil aux chefs d’expéditions qui évoluent à des altitudes où les liaisons satellites sont très bonnes. « Je garde toujours des échanges directs par la voix. Cela permet de bien être d’accord sur la stratégie à suivre tout au long de la période d’acclimatation, comme lors de l’ascension finale au sommet. Lorsque je parle directement aux alpinistes, cela me permet également d’apprécier leur état de forme.»

 

À la recherche d’une voie royale pour le vol en haute mer   

Sur les océans du globe, et pour dessiner la trajectoire du Maxi Edmond de Rothschild, Marcel van Triest suit et observe avec une vigilance de tous les instants d’autres systèmes qui fonctionnent avec leurs propres mécanismes. Après la Zone de Convergence Intertropicale qui s’est révélée à la hauteur de sa réputation ¬- imprévisible et très difficile à franchir -, le routeur du Gitana Team focalise son attention sur le train de dépressions australes. C’est à l’avant d’un de ces systèmes de basses pressions qu’il aimerait faufiler le maxi-trimaran volant. Ce dernier a retrouvé des vents plus favorables dans ses voiles pour accroître son avance à mesure qu’il dévale les latitudes en direction de la célèbre route des trois caps ceinturant tout le continent antarctique. Dans cet environnement qui peut à tout moment servir des conditions extrêmes sollicitant les hommes et leur bateau, il cherche cette voie royale. Celle qui permettra au géant de 32 mètres d’esquiver les coups de boutoir du Grand méchant Sud et d’éviter autant que possible les zones de turbulences sur une houle mauvaise qui rognerait sa capacité à tenir des vitesses élevées. « L’idéal serait de trouver un bon compromis entre une route pas trop longue, donc assez Sud, et une trajectoire qui évite la grosse mer qu’on rencontre dans les 50e. La situation de rêve, qui permet de faire des milliers de milles à la meilleure vitesse constante, existe peut-être au niveau des 35e. Mais les configurations idéales ont cette particularité d’être rares, et c’est en permettant de s’en approcher que le routage météo joue un rôle crucial dans cette chasse au record », ajoute-t-il.

 

En approche du grand désert liquide qui fait la légende du record du tour du monde à la voile, Marcel van Triest renforce aussi sa vigilance dans l’observation des glaces dont il compte parmi les plus fins experts. « Depuis dix ans, on a connu des grands progrès dans la prise d’images depuis l’espace. À travers les modèles CLS (Collecte Localisation Satellites), on a une bien meilleure visualisation de la présence d’icebergs. Cette année, l’été austral se révèle plutôt « calme », la situation est assez claire, même si une concentration importante apparaît dans l’Atlantique Sud, dans le nord de la Géorgie du Sud. Il ne semble pas y avoir de glaces dans le Pacifique, comme lors du record de Banque Populaire V, où il y avait eu un énorme iceberg au milieu de la route », complète le routeur du Gitana Team qui travaille aujourd’hui pour battre un record dont il compte parmi les co-détenteurs. « Depuis dix ans sur le Trophée Jules Verne, le rôle de la météo s’est beaucoup renforcé. Elle occupe une place centrale dans la réussite d’une tentative », poursuit ce météorologue bien placé pour mesurer la difficulté de l’exercice qui consiste à enrouler la planète mer par une voie express qui a l’envergure d’une face Nord.

 

« On travaille sur la même atmosphère, mais dans l’univers de la voile c’est sans doute plus compliqué avec de nombreux paramètres de vents à intégrer, comme la force ou l’orientation, ou encore l’état de la mer qui revêt une importance capitale. Mais en milieu extrême, que ce soit sur terre ou en mer, le routage météo constitue une aide stratégique de premier ordre dans la quête de performance. Sur les océans, comme sur les plus hauts sommets, les records sont faits pour être battus », ajoute de son côté Yan Giezendanner qu’on a forcément envie, et toutes les raisons, de croire…

De Brest à Rio de Janeiro

À bord du Maxi Edmond de Rothschild, l’ambiance fut particulière hier ; les très mauvaises et tristes nouvelles venant de la terre contrastant totalement avec l’environnement immédiat du géant de 32 mètres. En effet, depuis 36 heures, l’équipage de Franck Cammas et Charles Caudrelier profite de conditions idéales, tant pour les hommes que pour la machine. Les six marins glissent sur un long bâbord amure au large des côtes brésiliennes et devraient doubler la latitude du Cabo Frio et de Rio de Janeiro en fin de journée. Car malgré le faiblissement du flux de sud-est, aux alentours des 12 nœuds, depuis le milieu de nuit, ils progressent vers le Sud à plus ou moins 20 nœuds de vitesse moyenne. La journée d’hier fut également très intéressante sur le plan purement comptable car elle a permis aux marins du Gitana Team d’engranger plus de 280 milles d’avance sur le tableau de marche de son adversaire virtuel.

 

 

Première semaine de record 

Parti de Ouessant le 10 janvier dernier à 2h33, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild a enregistré sa première semaine de tentative de record sur le Trophée Jules Verne la nuit dernière au large du Brésil. Sept jours durant lesquels le dernier-né des Gitana a parcouru 4 700 milles sur le fond, c’est-à-dire réellement sur l’eau, à la vitesse moyenne de 28 nœuds. Quand on sait que ce dernier chiffre englobe les 24 heures de quasi arrêt dans le Pot-au-Noir, on mesure que la vie défile sur Gitana 17.  Ce long bord bâbord amure, cap au Sud, démarré depuis la sortie de la Zone de Convergence Intertropicale, marque clairement une transition entre deux temps forts de la descente de l’Atlantique. Des heures plus « paisibles », mais tout aussi rapides, que l’équipage apprécient à leur juste valeur : « Tout va bien à bord ! C’est assez calme ici. Les conditions nous permettent non seulement de nous reposer, car les températures ne sont ni trop chaudes ni trop fraîches, et que la combinaison d’une mer ordonnée et d’un vent médium nous permet de faire du gain sur la route. On a dû faire un plus de 700 milles en une journée hier, avec un vent d’une quinzaine de nœuds c’est quand même hyper satisfaisant » confiait Yann Riou au lever du jour.

 

Rendez-vous confirmé 

En s’élançant sur le record du tour du monde à la voile en équipage il y a une semaine, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leur routeur météo Marcel van Triest visaient un timing précis au Sud du Brésil. L’idée étant de se présenter au large de l’Amérique Latine tandis qu’un front en partance pour le Grand Sud et les mers australes se détacherait du continent. La connexion avec ce train dépressionnaire est bien engagée et devrait se faire en début de semaine. Dès lors, et en quelques heures, la vie du bord changera radicalement tant la progression vers les latitudes sud va être rapide. Les polaires, gants et bonnets feront leur grand retour sur le pont du maxi-trimaran volant bleu tandis que le sifflement permanent des appendices fera grimper les décibels. C’est pourquoi les journées de transition que vivent actuellement les six membres d’équipage sont précieuses pour se reposer et recharger les batteries.