Dans un timing parfait et à la barre d’un géant à 100 % de son potentiel, l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild a débuté dimanche soir, après sept jours de mer, la traversée de l’Atlantique Sud en direction de Bonne-Espérance, le premier des trois grands caps du Trophée Jules Verne. Depuis que le maxi-trimaran volant a laissé les côtes brésiliennes dans son sillage, les milles défilent à très hautes vitesses. Cet après-midi, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers ont fait leur entrée dans les quarantièmes, ces latitudes baptisées rugissantes par les marins pour les conditions musclées qu’elles offrent à ceux qui s’y aventurent. Et il faut dire que désormais, le flux de nord-ouest a pris du coffre pour souffler au-delà des 30 nœuds. C’est dans cette ambiance que les hommes du Gitana Team poursuivent leur chasse au record, avec dans leur viseur un premier chrono qu’ils savent à leur portée, au cap des Aiguilles.
Avec leur routeur Marcel van Triest, le duo Cammas-Caudrelier a remporté son premier coup sur l’échiquier océanique. En parvenant à se positionner parfaitement sous l’anticyclone de Sainte-Hélène et en avant d’un front puissant en route vers le tour de l’Antarctique, ils ouvrent une voie royale à leur équipage. Sur les dernières 24 heures, ils ont maintenu une vitesse moyenne de plus de 35 nœuds leur permettant ainsi d’avaler 846 milles.
Aux portes du Grand Sud
Depuis leur départ de Ouessant, les hommes du Maxi Edmond de Rothschild vivent les quatre saisons en mode accéléré, oscillant du froid au chaud à parfois quelques heures d’intervalle. En plongeant vers les mers australes, les navigateurs savent que leurs conditions de vie à bord vont se durcir, ils s’y préparent. Et c’est aussi pourquoi le soleil et l’ambiance de glisse dont ils ont pu bénéficier hier alors qu’ils naviguaient par plus de 30° sud ont été vécus avec tant de plaisir : « Hier, nous avons connu 24 heures assez dingues. Bénéficier de telles conditions ensoleillées à ces latitudes et d’une mer plate qui nous a permis de progresser à très hautes vitesses ; plus de 800 milles dans la journée… Incroyable ! J’ai eu la chance d’en profiter à double titre avec de bonnes poussées d’adrénaline. Nous avons décidé de faire un vol de drone et dans le même quart j’ai profité de 40 minutes de barre exceptionnelles. Dans des moments comme ceux-là… il n’y a pas de doute, on sait pourquoi on est venus ! » insistait Yann Riou avant de décrire l’ambiance et la vie du bord en avant de la dépression : « Nous nous changeons petit à petit. Il ne fait pas encore froid la journée, même si la nuit nous remettons nos polaires et les duvets avec plaisir, mais l’ambiance est clairement plus humide. Du coup, les cirés et les bottes font à nouveau partie de la panoplie sur le pont. L’avantage est que la transition vers le froid va se faire progressivement, d’un point de vue vestimentaire tout du moins. »
Depuis le début de ce 10e jour de tentative, comme prévu le vent a forçi, accompagné par une mer courte et croisée qui se forme également petit à petit. Cet après-midi, le dernier-né des Gitana naviguait dans un bon flux de nord-ouest d’une trentaine de nœuds mais continuait sa belle chevauchée vers la pointe de l’Afrique du Sud. Avec 792 milles d’avance sur le record de Francis Joyon, les hommes du Gitana Team savent qu’ils sont dans le bon tempo mais restent lucides et particulièrement concentrés : « Idec a fait un Indien exceptionnel avec une route idéale sans empannages et des journées à plus de 800 milles parcourus… Nous savions qu’il fallait arriver à la pointe de l’Afrique du Sud avec une belle avance pour se battre après à armes égales », rappelait Franck Cammas.
Comme sur la Brest Atlantiques, il y a un peu plus d’un an, le géant de 32 mètres ne passera pas très loin des îles « perdues » de l’Atlantique Sud, celle de Tristan Da Cunha et sa voisine la plus proche Gough Island.