S’ADAPTER À SON ENVIRONNEMENT

Plus de 15 jours de mer pour Thomas Coville et ses sept équipiers qui sont passés dans la nuit de mercredi à jeudi sous les Kerguelen, avant d’empanner par 53° Sud juste devant l’île Heard, qui appartient à l’Australie. Après une journée à 29 nœuds de moyenne, Sodebo Ultim 3 reste en avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (160 milles à 6h).

 

 

Température de l’air 2°, température de l’eau 2°C également, le froid est de rigueur ce jeudi matin à bord de Sodebo Ultim 3. Après être descendu très Sud, jusqu’à 53°, le trimaran est d’ailleurs en train de remonter en bâbord amure dans un vent plus maniable d’une vingtaine de nœuds pour longer une zone d’icebergs identifiée à tribord.

 

Mercredi, les conditions de vie à bord sont restées difficiles dans une mer formée, comme l’a raconté François Duguet :

 

« Je me sens bien, c’est un accomplissement d’être dans le Grand Sud, un rêve de gosse, même si je ne cache pas qu’il y a des petits moments un peu difficiles. L’Indien est un océan coriace, exigeant, la mer est dure depuis deux-trois jours, c’est vraiment difficile de se déplacer dans le bateau, il y a des accélérations et des décélérations constantes, la vie de tous les jours est assez sportive. Au début, on se fait un peu surprendre, on est d’ailleurs deux ou trois à s’être légèrement blessés, mais au bout de 36 heures, on s’adapte, le corps humain est capable de repousser ses limites. On se balade à quatre pattes pour préparer notre tambouille ; en ce moment, je suis quasiment couché sur la table pour ne pas me fracasser toutes les dix secondes à l’avant du cockpit, on trouve des astuces, on est un peu comme des animaux. On sait que le Trophée Jules Verne n’est pas un sprint, mais une course d’endurance, parfois, il faut savoir faire le dos rond. »

 

La contrariété du jour pour le boat-captain de Sodebo Ultim 3 : « L’huile d’olive a gelé, c’est très critique ! A bord, il y a toute une bande de Bretons qui ne mangent que du beurre, donc ils n’ont pas l’air de s’en offusquer, mais moi, ça me dérange énormément, parce que ça fait partie des éléments importants de mon alimentation, j’espère que le tabasco ne gèlera pas… »

 

Toujours très attentif au bateau, François Duguet en estime « le potentiel quasi-intact à ce stade », l’équipage s’aidant notamment des nombreux capteurs à bord, à la fois pour bien le régler, mais aussi pour mesurer les efforts qu’il supporte : « Comme on passe la plupart du temps confinés dans notre petite cellule devant le mât, les capteurs aident pour avoir de bons repères de réglages sur les appendices, les angles d’attaque des foils, et pour nous donner des informations sur les contraintes, même s’ils sont parfois mis à rude épreuve : ça arrive qu’ils nous envoient des informations erronées, dans ce cas, on essaie de contrôler visuellement, de sortir la tête par la fenêtre. »

 

Et à terre, l’équipe technique du team Sodebo veille au grain :

 

« L’analyse d’un ingénieur au bureau d’études, tranquille à son bureau, permet d’avoir des réponses et des infos plus précises que notre analyse à chaud à bord, confirme le marin de 39 ans. Je compare ça à la F1 : le pilote est sur la piste, concentré pour faire avancer la voiture, et sur la murette, il y a les ingénieurs qui voient défiler les chiffres et les analysent. Nous, c’est un peu pareil. »

 

LES KERGUELEN DANS LE VISEUR

Sodebo Ultim 3 a entamé dans la nuit de mardi à mercredi sa troisième semaine de mer dans un Océan Indien toujours assez chaotique. Ce qui explique des vitesses moins élevées que les jours précédents (25 nœuds sur 24 heures) et une avance sur Idec Sport qui diminue (235 milles à 6h). Thomas Coville et ses équipiers devraient passer la nuit prochaine sous les Kerguelen.

 

 

Depuis le passage du Cap des Aiguilles lundi matin, les « Sodeboys » ont le droit à la version « shaker » de l’Océan Indien avec du vent et une mer formée qui ne se laisse pas dompter facilement. Un Océan Indien qui rappelle quelques souvenirs à Sam Goodchild :

 

« Je connais déjà un peu le Sud, parce que j’avais fait une étape de la Global Ocean Race en Class40 entre Cape Town et Wellington en 2011 ; je suis aussi venu il y a deux ans avec Spindrift sur le Trophée Jules Verne, nous étions passés juste au sud des Kerguelen, il y avait un peu moins de mer, c’était un peu plus facile. »

 

Si les conditions de vie à bord actuelles ne sont pas évidentes, cette région du globe reste pour nombre de marins source de fascination : « C’est sûr que les mers du Sud et l’Océan Indien sont des endroits mythiques, confirme le natif de Bristol. Quand on est jeune, on entend plein d’histoires sur les tours du monde, le Vendée Globe, The Ocean Race, le Trophée Jules Verne, donc le fait d’y venir soi-même, c’est assez spécial, ça n’arrive pas dix fois dans une vie. On essaie d’en profiter, ce sont des expériences intenses qui vont nous rendre plus forts dans le futur et nous soudent aussi en tant qu’équipage. »

 

Comment se sent-il après deux semaines de mer ?

 

« Globalement, tout va bien. On a tous des mini-soucis, parce que ce n’est quand même pas simple ce qu’on fait vivre à notre corps : on ne dort pas comme d’habitude, on ne mange pas pareil, il n’y a pas cinq minutes dans la journée où ça ne bouge pas et où il n’y a pas de bruit, c’est usant, mais c’était prévu. Et on fait tout ce qu’on peut pour maintenir le corps comme le bateau en forme. »

 

Et pour se régénérer moralement, on envoie parfois des petits mots à ses proches, ce que fait régulièrement Sam Goodchild : « Je communique juste avec ma famille, c’est toujours sympa de garder le lien avec la terre, de voir ce qui se passe à la maison et ce qui nous attend quand on revient. On n’a pas énormément de temps à y consacrer, ce n’est pas très facile d’envoyer un mail avec le vent et les vagues, mais c’est un petit plaisir que j’arrive à prendre tous les deux-trois jours. »

 

A bord, l’équipage suit également les pérégrinations des marins du Vendée Globe, situés dans leur nord : « On regarde les classements sur l’ordinateur, c’est chouette à suivre, on est bien plus au sud qu’eux, mais on vit à peu près les mêmes choses aux mêmes moments », conclut celui qui rêve un jour de disputer la course autour du monde en solitaire.

 

UN TEMPO ENTRE TERRE ET MER

Bientôt deux semaines de mer pour Sodebo Ultim 3 qui continue de faire route vers l’est et l’archipel des Kerguelen, situé à un peu plus de 1000 milles de son étrave mardi matin. Après une journée à 32 nœuds de moyenne, Thomas Coville et ses sept équipiers sont toujours en avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (500 milles à 6h).

 

Malgré un début d’Océan Indien assez chaotique, comme l’a montré la vidéo envoyée lundi par le media man Martin Keruzoré, Sodebo Ultim 3 parvient à maintenir une bonne vitesse : après un peu plus de 13 jours de mer, le trimaran a parcouru 765 milles lors des dernières 24 heures, à 32 nœuds de moyenne.

 

 

Les conditions sont engagées, faisant dire lundi à Matthieu Vandame, barreur/régleur : « Il y a 30 nœuds établis, pas mal de mer, il fait très froid, ça va très vite, ça bouge énormément, il faut sans cesse se tenir. »

 

Le tempo reste élevé, fruit d’un échange permanent entre Thomas Coville en mer et la cellule de routage à terre composée de Jean-Luc Nélias et de Philippe Legros.

 

« On propose et eux disposent, c’est toujours une boucle entre nous, explique Jean-Luc Nélias. On est un peu un aiguillon, mais généralement, les consignes qu’on leur donne sont atteignables, on essaie d’être réaliste et on tient évidemment compte des problématiques à bord. Et avec Thomas, on commence à avoir l’habitude de travailler ensemble. »

 

Jean-Luc Nélias a effectivement accompagné le skipper de Sodebo Ultim 3 sur ses tentatives de record du tour du monde en solitaire pou sur la Route du Rhum, mais également en mer, notamment l’an dernier sur la Brest Atlantiques. Cette complicité primordiale permet aux deux hommes de s’accorder sur le rythme à tenir, même si, c’est avant tout la nature qui décide, aux dires du routeur : « La météo demande toujours d’aller un peu plus vite pour éviter de se faire rattraper par du petit temps ou par un coup de baston ; nous, on décide de quelques adaptations, mais globalement, c’est la météo qui nous dirige et donne le tempo. »

 

Une météo qui reste donc actuellement soutenue pour Sodebo Ultim 3, légèrement remonté en latitude la nuit dernière, puisqu’il évolue par 48°50 Sud, dans un flux de nord-ouest qui va peu à peu tourner à l’ouest. Ce qui va sans doute contraindre l’équipage à caler un ou plusieurs empannages sur la route des Kerguelen. Et explique que l’avance sur Idec Sport, particulièrement véloce il y a quatre ans sur cette partie du parcours, ait un peu baissé en 24 heures.

A L’ATTAQUE DE L’INDIEN !

A l’assaut du Trophée Jules Verne, Sodebo Ultim 3 a franchi ce lundi matin le Cap de Bonne-Espérance avec une avance de 17h35 sur Idec Sport. Les 8 hommes d’équipage du trimaran géant sont entrés dans le vif du sujet de l’Océan Indien par 50° Sud. Au programme : du vent fort, de la mer, du froid et de la haute vitesse !

 

 

Après la belle glisse du week-end dans l’Atlantique Sud qui a permis à Sodebo Ultim 3 de filer pleine balle vers le Cap de Bonne-Espérance, franchi lundi à 5h, Thomas Coville et ses sept équipiers ont changé d’ambiance en même temps que d’océan : « C’est engagé, la mer est en train de se former, l’Océan Indien est pour moi le plus difficile », commente Thomas Coville dans une impressionnante vidéo envoyée par Martin Keruzoré, où l’on voit le trimaran filer à vive allure sous un ciel gris et sur une mer cabossée. « On a changé d’ambiance en deux-trois jours, on est dans le frigo ! », sourit quant à lui un Corentin Horeau encagoulé, en référence aux petits 4°C affichés sur le thermomètre.

 

 

Pour le skipper de Sodebo Ultim 3, « Bonne-Espérance, c’est le cap de l’espoir, c’est aussi le cap de la décision, d’y aller ou de faire demi-tour. » En l’occurrence, en accord avec la cellule de routage composée de Jean-Luc Nélias et de Philippe Legros, Thomas Coville a choisi de poursuivre le périple entamé le 25 novembre :

 

« Aujourd’hui, on estime que nous sommes dans des temps honorables, on sait que la suite jusqu’au Cap Leeuwin (pointe sud-ouest de l’Australie), voire jusqu’en Nouvelle-Zélande, sera moins bien que ce qu’ont fait nos concurrents de référence (Idec Sport), mais c’était le moment où il fallait se décider, on est lancés. »

 

Et bien lancés, puisqu’à Bonne-Espérance, Sodebo Ultim 3 comptait 17 heures et 35 minutes d’avance sur le tableau de marche du détenteur du Trophée Jules Verne. Ce qui ne fait que confirmer à Jean-Luc Nélias que la fenêtre choisie au départ valait le coup d’être tentée : « On a respecté le planning de cette fenêtre, on savait qu’elle n’était pas excellente, mais le résultat est conforme à ce qu’on avait prévu. »

 

DES ICEBERGS SOUS SURVEILLANCE

La suite du programme ? « Ça s’annonce plus compliqué que pour Idec qui avait été tout droit jusqu’en Nouvelle-Zélande, poursuit-il. Nous allons avoir plus de vent arrière et en arrivant vers le Cap Leeuwin, il y a une situation météo complexe avec soit du petit temps, soit du très mauvais, mais ça peut aussi très bien se passer. On va sans doute perdre l’avance accumulée jusqu’ici, ce serait bien d’être à égalité avec Idec sous la Nouvelle-Zélande. » Ce qui permettrait d’attaquer le Pacifique avec des chances de s’emparer du record.

 

D’ici là, il va falloir négocier au mieux un Océan Indien où ont été repérés quelques icebergs et growlers (morceaux de glace qui se détachent) que l’équipage et la cellule de routage surveillent attentivement, avec le support de CLS, société spécialisée dans leur détection.

 

« Contrairement au Vendée Globe sur lequel une limite des glaces s’impose à tous les concurrents, rien ne nous contraint, si ce n’est la sécurité du bateau et surtout de l’équipage, explique Jean-Luc Nélias. On est obligés de prendre un peu de risques parce que la route la plus courte passe plus proche des glaces, c’est un dosage particulier à trouver. Comme le plus petit objet détectable par les images satellites mesure 20 mètres, on mise aussi sur les statistiques et sur notre savoir-faire. »

 

Autant dire que l’heure est à la plus extrême concentration, tant à bord de Sodebo Ultim 3 que dans la base du Team à Lorient, où Jean-Luc Nélias et Philippe Legros veillent au grain : « Le rythme est intense ici aussi, confirme le premier. Entre 7h et midi, nous sommes à fond, entre les visio-conférences pour les glaces, la récupération des fichiers météo, la préparation des bulletins et des routages. L’après-midi, c’est plus du suivi, ce qui nous permet de faire une sieste ou du sport à tour de rôle. Et la nuit, on a également des quarts ; on dispose des mêmes alarmes que sur le bateau : de vitesse, de cap, de pression atmosphérique… on vit le truc comme un neuvième équipier. » A fond…

 

Pour s’emparer du Trophée Jules Verne, détenu depuis le 26 janvier 2017 par Idec Sport en 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes, Thomas Coville, François Duguet, Sam Goodchild, Corentin Horeau, Martin Keruzoré, François Morvan, Thomas Rouxel et Matthieu Vandame doivent couper la ligne à Ouessant avant le mardi 5 janvier à 2h25 (heure française, sous réserves de validation du WSSRC).

BONNE-ESPÉRANCE, UN PREMIER CAP EN AVANCE !

Après 12 jours 2 heures et 5 minutes de mer, Sodebo Ultim 3 a franchi ce lundi 7 décembre à 5h00 (Heure française) la longitude du Cap de Bonne-Espérance. C’est le premier des 3 caps mythiques à franchir dans cette tentative de Trophée Jules Verne. 

 

 

Depuis leur départ d’Ouessant le 25 novembre à 2h55, Thomas Coville et ses sept équipiers ont parcouru 8154 milles (15 101 km), à 28 nœuds de moyenne.

Ces dernières 48 heures, ils ont allongé la foulée avec des vitesses moyennes de près de 70 km/h, ce qui leur a permis de creuser un peu plus leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport.

Au passage du Cap de Bonne-Espérance, ils comptaient 17 heures et 35 minutes de marge par rapport au détenteur du Trophée Jules Verne.

Depuis le 30 novembre, ils auront mis 6 jours 16 heures 15min pour parcourir l’Atlantique Sud entre l’Equateur et le cap Sud-Africain (temps d’Idec Sport 7j 00h 30min).

Désormais entré dans l’Océan Indien (au niveau du Cap des Aiguilles franchi à 6h 40min (Heure française) après 12 jours 3 heures et 45 minutes ), Sodebo Ultim 3 fait désormais route vers l’archipel des Kerguelen.

Pour s’emparer du Trophée Jules Verne, détenu depuis le 26 janvier 2017 par Idec Sport en 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes, Thomas Coville, François Duguet, Sam Goodchild, Corentin Horeau, Martin Keruzoré, François Morvan, Thomas Rouxel et Matthieu Vandame doivent couper la ligne à Ouessant avant le mardi 5 janvier à 2h25min (heure française, sous réserves de validation du WSSRC).

LA VIE À 40 NŒUDS : dernier jour dans l’Atlantique Sud ?

Sodebo Ultim 3, lancé depuis vendredi soir dans un long sprint vers l’océan Indien, sort d’une journée de samedi mémorable : Thomas Coville et son équipage ont parcouru entre samedi et dimanche matin 870 milles en 24 heures (1 611km à 36,2 nœuds de moyenne), tout près du record absolu des 24 heures (908,2 milles par Banque Populaire V en 2009). Leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport s’est encore accrue, de 613 milles ce dimanche à 8h.

 

Quelle journée ! Entre samedi et dimanche matin, Sodebo Ultim 3 a signé la deuxième performance de tous les temps sur 24 heures, le trimaran ayant « avalé » 869,8 milles, à 36,2 nœuds de moyenne. Dans l’histoire du record des 24 heures, seul Banque Populaire V a fait mieux lors de son record de l’Atlantique Nord à l’été 2009, avec 908,2 milles (37,84 nœuds). Autant dire que si les « Sodeboys » continuent à ce rythme, ils pourraient accrocher un premier record à leur tableau de chasse.

 

 

Qui dit moyenne à 36 nœuds dit pointes à plus de 40, comme l’a expliqué samedi soir Thomas Rouxel, au moment où Sodebo Ultim 3 venait de passer sous l’île de Gough Island : « Depuis notre dernière manœuvre, nous n’avons pas été en-dessous de 35 nœuds, nous avons même fait une heure au-dessus de 40. Je n’avais jamais vécu ça avant, il n’y a que ces bateaux qui le permettent, dans des conditions particulières : là, on est à l’avant d’une dépression, ce qui nous permet d’avoir du vent fort et de la mer plate, c’est assez exceptionnel. »

 

Dans ces conditions, le pilote automatique est mis à contribution : « A ces vitesses et au reaching, vent de travers, le pilote barre mieux que le bonhomme ; surtout qu’à des moments, ne voyait pas à 50 mètres, poursuit le barreur/régleur de 38 ans. Nous, on s’occupe des réglages pour être au maximum de la performance du bateau : on se donne un angle de gîte idéal et on essaie de s’y tenir avec les réglages de l’écoute et du chariot de grand-voile. Si le vent mollit, on joue aussi sur les réglages du foc. »

 

A ces vitesses, la vie à bord est assez sport : « Ça bouge beaucoup, ça fait beaucoup de bruit, les mouvements du bateau sont assez violents, c’est compliqué de se déplacer, il faut tout le temps se tenir. Ce midi, j’ai préparé un petit plat de pâtes pour la collectivité, ça a été une petite aventure, j’ai réussi à ne pas me brûler ! » Malgré ça, les huit marins parviennent à trouver le sommeil : « Comme on est bien fatigués, on arrive à s’endormir et à dormir correctement, on a des bons matelas et des bons sacs de couchage », confirme Thomas Rouxel.

 

Qui garde quelques souvenirs bien arrosés du Grand Sud : « Les principaux, ce sont les grosses tempêtes, comme celle qu’on avait eue sur la dernière édition de la Volvo Ocean Race sur l’étape du Cap Horn (à bord de Dongfeng Team Race). Nous avions eu 35 nœuds de vent moyen et une houle de 10 mètres, ça donnait des images impressionnantes, surtout que sur les Volvo 65, tu es tout le temps dehors en train de barrer et de régler, tu es sous les vagues. » Ce qui est moins le cas sur Sodebo Ultim 3 : « Nous, on cherche de la mer plate et des vents de 20 nœuds ; d’après les prévisions du jour, ce sont des conditions qu’on devrait pourvoir garder quasiment jusqu’au Cap Leeuwin. »

 

Et Thomas Rouxel de conclure : « Faire le tour du monde sur un trimaran Ultim, c’est le rêve de tout marin ; ça va relativement vite, 40 jour en mer, dans un « confort » quand même très bon par rapport à un Volvo 65, où tu es tout le temps sous l’eau, ou même un Imoca qui est un bateau très dur. C’est le top, je suis content de revenir dans ces coins sur Sodebo Ultim 3, même si ça reste le Sud : on va avoir froid, on va être tout le temps mouillés parce que le taux d’humidité est de 100%, il y aura sans cesse de la condensation dans les bannettes, ça reste un confort relatif. »

 

SODEBO ULTIM 3 PLEIN POT : Plus de 400 nm d’avance !

Comme prévu par la cellule de routage, Sodebo Ultim 3, parvenu à se positionner à l’avant d’une dépression se décalant vers l’est, a débuté vendredi soir un long bord de vitesse qui va le mener jusqu’aux Kerguelen. Samedi matin, Thomas Coville et ses sept équipiers affichent une moyenne de 34 nœuds, ce qui leur a permis d’accroître leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, de plus de 400 milles.

 

Jean-Luc Nélias avait résumé le programme du week-end vendredi dans son bulletin météo quotidien : « A partir de ce soir, la course de vitesse débute. » Et effectivement, depuis plusieurs heures, Sodebo Ultim 3, après en avoir terminé avec le contournement par l’ouest de l’anticyclone de Sainte-Hélène, a considérablement allongé la foulé. Ce samedi matin, sa moyenne sur les dernières 24 heures est de 34,2 nœuds et ce long bord de vitesse dans les 40e, bâbord amure à l’avant d’une dépression, va durer encore quelques jours, jusqu’aux Kerguelen. Auparavant, l’équipage aura basculé dans l’océan Indien au niveau du Cap des Aiguilles, point le plus méridional de l’Afrique du Sud situé après Bonne-Espérance, lundi matin, soit en 12 jours environ, l’objectif en partant d’Ouessant le 25 novembre.

 

 

En prévision du Grand Sud, le boat-captain François Duguet est confiant quant à la capacité de Sodebo Ultim 3 à encaisser ces journées à plein régime :« Je n’ai aucune appréhension, le bateau est prêt, l’équipage aussi, j’ai hâte d’y aller. » Chargé de veiller techniquement sur le trimaran, le marin de 39 ans n’a, de son propre aveu, pas eu grand-chose à faire de ce côté-là depuis le départ il y a un peu plus de 10 jours : « Les 4-5 premiers jours, je n’ai même pas ouvert la caisse à outils. Ensuite, on a profité de la traversée du Pot-au-noir pour faire quelques bricoles, mais c’était surtout du préventif et de la sécurité. » Ce qu’il regarde en priorité quand il fait un « check » du bateau ?

 

« D’abord tout ce qui est gréement : bôme, mât haubanage, ancrage. Après les bras de liaison, la structure en dessous pour voir s’il n’y a pas d’impact ; enfin les systèmes de transmission de barre et les safrans. En gros, tout ce qui n’est pas visible depuis la cellule de vie. »

 

A bord, celui qui confie être « toujours bien en mer », joue aussi, avec sa bonne humeur, les « ambianceurs », sans se forcer : « Je ne sais pas si je suis le boute-en-train de l’équipage, disons que je suis peut-être un peu plus expressif, que j’ai le verbe un peu plus haut que certains, même s’il y en a qui ne sont pas en reste. C’est important quand on part pour 40 jours, dans un espèce de huis clos, de garder une bonne ambiance pour que le moral reste haut, ça passe par des bons mots et des petits moments relax. »

 

Cette bonne ambiance est également alimentée par Thomas Coville qui donne la cadence à bord :

« Personnellement, c’est une découverte pour moi de partir aussi longtemps sur un record et de ne pas avoir de concurrent direct, poursuit François Duguet. Ce n’est pas facile, il faut parfois se faire un peu violence, se remotiver constamment, mais Thomas est là pour ça et il le fait très bien. Il nous rappelle à l’ordre, nous demande de rester focus sur les chiffres et les réglages. Sur un record, on se bat contre nous-mêmes, ça demande une concentration de tous les instants. »

 

APRÈS LES EMPANNAGES, LA DÉPRESSION ?

La journée de jeudi a été animée à bord de Sodebo Ultim 3 avec une succession d’empannages dans un couloir de vent de nord-ouest au large du Brésil. L’objectif de Thomas Coville et de ses sept équipiers, qui comptent vendredi matin 140 milles d’avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, est de se placer à l’avant d’une dépression qui devrait les emmener jusqu’au Cap de Bonne-Espérance puis aux Kerguelen. 

 

 

La concentration était de mise jeudi pour l’équipage de Sodebo Ultim 3, conscient de vivre ce que Thomas Coville appelait « un moment un peu crucial » du tour du monde. L’enjeu était de réussir la transition entre les alizés de sud-est de l’Atlantique Sud et les mers du Sud, donc d’être au rendez-vous ce vendredi d’une dépression salvatrice à même d’emmener Sodebo Ultim 3 à vive allure vers l’Afrique du Sud et l’Océan Indien. Il a fallu enchaîner une dizaine d’empannages pour descendre en escalier dans un couloir de vent d’environ 300 milles de large, d’où une grosse dépense physique à bord.

 

« Ça va s’accélérer très fort à partir de vendredi soir, a expliqué jeudi Thomas Coville, lors du live hebdomadaire du jeudi à 18h30. On devrait être un peu en avance sur Idec Sport à Bonne-Espérance, qu’on pourrait franchir en 11 jours et 10 heures, et à peu près dans les mêmes temps que lui aux Kerguelen. Les 24-48 heures qui arrivent vont être décisives pour savoir si on peut véritablement accrocher cette fenêtre »

 

 

Autant dire que pour saisir cette opportunité d’attaquer les 40e à pleine vitesse, il faut beaucoup de concentration à la barre, spécialité de quelques marins à bord, dont François Morvan. Qui explique, à propos de la spécificité de barrer un trimaran volant : « Par rapport à un bateau archimédien, le fait que le foil vienne stabiliser l’assiette du bateau rajoute un paramètre au panel des sensations dont on a besoin pour barrer. »

 

Le Morbihannais de 37 ans, s’il a déjà bouclé un tour du monde (avec Spindrift 2 sur le Jules Verne), s’apprête à découvrir la navigation volante dans les 40e.

 

« Je n’ai pas d’appréhension, mais il faut quand même être prudent car on s’engage dans un endroit relativement hostile. Maintenant, une partie de l’équipage connaît bien ces mers, Thomas a quasiment passé la moitié de sa vie là-bas, on est bien entourés. »

 

Sur ce Jules Verne, François Morvan navigue pour la première fois au large avec son complice des « années cata », Matthieu Vandame, dont il dit : « C’est un roc, je ne l’ai jamais vu faiblir. Peu importe l’adversité, il est égal à lui-même. Ensemble, on a fait pas mal de petit cata, on a arrêté en 2011 en se lançant dans des projets séparés avec pas mal de réussite l’un et l’autre, puis nous avons refait un Tour de France ensemble en 2015 et on s’est de nouveau retrouvés l’année dernière sur SailGP et en Easy To Fly (catamarans volants dans les deux cas). C’est toujours un plaisir de naviguer avec lui, on a appris plein de choses chacun de notre côté, c’est très agréable de réunir ces compétences apprises ailleurs sur ce Jules Verne. » Et ça marche, puisque Sodebo Ultim 3 est toujours en avance sur le tableau de marche d’Idec Sport…

 

CAP VERS BONNE-ESPÉRANCE

Après un long bord bâbord amure de quelques jours qui a commencé à la sortie du Pot-au-noir, Sodebo Ultim 3 a empanné mercredi soir au large de Rio de Janeiro pour mettre le cap vers le sud de l’Afrique du Sud qu’il devrait atteindre en un peu moins de 12 jours. Flashé jeudi matin à 33 nœuds avec 162 milles d’avance sur le tableau de marche d’Idec, le trimaran devrait bénéficier à partir de vendredi d’un renforcement du vent pour se retrouver rapidement plongé dans l’ambiance du Grand Sud. 

 

La fin de l’été brésilien se profile pour l’équipage de Sodebo Ultim 3 qui ne devrait pas tarder à changer d’ambiance, puisque d’après la cellule de routage, il sera dès samedi dans les quarantièmes, à l’avant d’une dépression qui devrait le mener rapidement vers l’entrée de l’océan Indien, matéralisée par le Cap des Aiguilles. « Il fait un peu plus frais depuis quelques heures, on sent qu’on plonge dans le Sud et que dans quelques jours, on va remettre les polaires, les bottes, les sous-couches et rentrer dans le vif du sujet de ce tour du monde qu’est le Grand Sud », confirme Martin Keruzoré, le media man, qui, sur ce Trophée Jules Verne, aide aussi l’équipage pour les manœuvres.

 

Hors quart, le Breton de 30 ans a dû trouver son rythme pour se fondre dans ce double rôle :

« Je ne suis pas géré par la montre comme les autres qui font des quarts depuis le début. J’ai donc pris le parti de vivre avec le soleil pour passer le maximum de temps sur le pont, ne pas rater les temps d’échanges entre les gars, les lumières rasantes du matin et du soir, j’essaie juste de faire une petite sieste dans la journée. Et les manœuvres viennent modifier ma routine : je me lève la nuit s’il y a besoin d’assister les gars et de tourner les manivelles. Au bout de quelques jours, j’ai compris à quels moments je devais être présent pour les aider et ceux où je pouvais prendre du recul pour les filmer. »

 

 

Témoin privilégié de la vie de l’équipage, Martin Keruzoré se réjouit de l’ambiance qui règne à bord : « Le groupe est vraiment soudé. Tout le temps que nous avons passé ensemble depuis le début de l’année a été bénéfique. Il n’y a pas de surprises parce qu’on se connaît tous. On est vraiment heureux d’être là, ce n’est que du bonheur, j’espère que ça se voit à terre, on a tous des personnalités différentes, mais ça fait une super entité. » Une entité menée de main de maître par Thomas Coville, qui, d’après le media man, « joue parfaitement bien son rôle de chef d’équipe, il est toujours là pour écouter les gars, pour les mettre en confiance, c’est super positif pour la suite et notamment pour le Sud que certains ne connaissent pas. »

 

Et le skipper de Sodebo Ultim 3 est souvent là pour partager les repas, moments de convivialité appréciés par tous. « On mange des pâtes deux fois par semaine, c’est Thomas Rouxel qui s’en charge, c’est le professionnel de la cuisson. On se retrouve alors tous autour de la cuisine qui est bien placée pour la vie à bord, assez centrale, ce sont des moments sympas », ajoute Martin Keruzoré. Qui, en plus de ses rôles de media man et de régleur, est le préposé, avec Thomas Rouxel, à l’avitaillement :

« Je monte tous les jours les sacs de repas lyophilisés stockés dans la coque centrale, ça me permet aussi de voir ce qui a été consommé la veille, de faire un inventaire pour qu’on ait de quoi tenir 40 jours. »

 

UN PEU DE CALME AVANT LE GRAND SUD

Parti il y a maintenant une semaine, Sodebo Ultim 3, qui a déjà parcouru 3700 milles (6860 kilomètres), poursuit sa descente de l’Atlantique Sud le long des côtes brésiliennes, avec de nouveau de bonnes moyennes (28 nœuds lors des 24 dernières heures). Ce qui a permis à l’équipage mené par Thomas Coville d’accroître son avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (155 milles à 6h mercredi).

 

Depuis mardi matin, Sodebo Ultim 3 longe les côtes du Brésil dans un régime d’alizés de sud-est plutôt agréable, comme l’explique Sam Goodchild, l’un des huit équipiers de l’Ultim :

« C’est plutôt calme, la mer est assez plate, le vent pas trop fort, même pas assez de temps en temps, mais on arrive quand même à garder des vitesses entre 20 et 30 nœuds. C’est un bon moment pour se reposer parce qu’il n’y a pas trop de changements de voiles et de conditions, c’est aussi l’occasion de « checker » le bateau avait d’aller dans les mers du Sud, où il fera plus froid et où on trouvera plus de vent et de mer. »

 

Le Brésil rappelle d’ailleurs de bons souvenirs au seul Britannique du bord, qui a fêté ses 31 ans quelques jours avant le départ :

« Il y a un an pile, j’étais à peu près au même endroit pour l’arrivée de la Transat Jacques Vabre, nous avions terminé deuxièmes avec Fabien Delahaye en Class40. Et juste avant Salvador de Bahia, nous avions été doublés par Sodebo Ultim 3, qui disputait la Brest Atlantiques. C’est un super souvenir et c’est chouette de revenir le long du Brésil un an plus tard avec ce beau bateau et un super équipage. »

 

 

 

A bord de Sodebo Ultim 3, les quarts s’enchaînent pour les sept équipiers (Thomas Coville est hors quart) :

« On fait chacun une heure de stand-by, deux heures sur le pont, puis une autre heure de stand-by, avant d’aller deux heures au lit, poursuit Sam Goodchild. Il n’y a jamais de changement de quart complet, une personne change toutes les heures. Cela permet d’avoir toujours sur le pont quelqu’un qui a suivi ce qui s’est passé depuis une heure, mais aussi de tous se croiser au moins une fois dans la journée, c’est sympa. »

 

Ces conditions d’alizés vont continuer dans la journée de mercredi, avant un prochain changement de système météo assez incertain si l’on en croit l’Anglais :

« La transition entre les alizés et les mers du Sud risque d’être un peu compliquée, mais ça a l’air de pouvoir bien se passer. On va en tout cas tout donner pour négocier cette transition efficacement et rapidement avant de se retrouver dans les mers du Sud où les conditions seront plus dures et où il faudra faire plus attention, parce qu’on sera loin de tout. »