LA VIE À 40 NŒUDS : dernier jour dans l’Atlantique Sud ?

Sodebo Ultim 3, lancé depuis vendredi soir dans un long sprint vers l’océan Indien, sort d’une journée de samedi mémorable : Thomas Coville et son équipage ont parcouru entre samedi et dimanche matin 870 milles en 24 heures (1 611km à 36,2 nœuds de moyenne), tout près du record absolu des 24 heures (908,2 milles par Banque Populaire V en 2009). Leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport s’est encore accrue, de 613 milles ce dimanche à 8h.

 

Quelle journée ! Entre samedi et dimanche matin, Sodebo Ultim 3 a signé la deuxième performance de tous les temps sur 24 heures, le trimaran ayant « avalé » 869,8 milles, à 36,2 nœuds de moyenne. Dans l’histoire du record des 24 heures, seul Banque Populaire V a fait mieux lors de son record de l’Atlantique Nord à l’été 2009, avec 908,2 milles (37,84 nœuds). Autant dire que si les « Sodeboys » continuent à ce rythme, ils pourraient accrocher un premier record à leur tableau de chasse.

 

 

Qui dit moyenne à 36 nœuds dit pointes à plus de 40, comme l’a expliqué samedi soir Thomas Rouxel, au moment où Sodebo Ultim 3 venait de passer sous l’île de Gough Island : « Depuis notre dernière manœuvre, nous n’avons pas été en-dessous de 35 nœuds, nous avons même fait une heure au-dessus de 40. Je n’avais jamais vécu ça avant, il n’y a que ces bateaux qui le permettent, dans des conditions particulières : là, on est à l’avant d’une dépression, ce qui nous permet d’avoir du vent fort et de la mer plate, c’est assez exceptionnel. »

 

Dans ces conditions, le pilote automatique est mis à contribution : « A ces vitesses et au reaching, vent de travers, le pilote barre mieux que le bonhomme ; surtout qu’à des moments, ne voyait pas à 50 mètres, poursuit le barreur/régleur de 38 ans. Nous, on s’occupe des réglages pour être au maximum de la performance du bateau : on se donne un angle de gîte idéal et on essaie de s’y tenir avec les réglages de l’écoute et du chariot de grand-voile. Si le vent mollit, on joue aussi sur les réglages du foc. »

 

A ces vitesses, la vie à bord est assez sport : « Ça bouge beaucoup, ça fait beaucoup de bruit, les mouvements du bateau sont assez violents, c’est compliqué de se déplacer, il faut tout le temps se tenir. Ce midi, j’ai préparé un petit plat de pâtes pour la collectivité, ça a été une petite aventure, j’ai réussi à ne pas me brûler ! » Malgré ça, les huit marins parviennent à trouver le sommeil : « Comme on est bien fatigués, on arrive à s’endormir et à dormir correctement, on a des bons matelas et des bons sacs de couchage », confirme Thomas Rouxel.

 

Qui garde quelques souvenirs bien arrosés du Grand Sud : « Les principaux, ce sont les grosses tempêtes, comme celle qu’on avait eue sur la dernière édition de la Volvo Ocean Race sur l’étape du Cap Horn (à bord de Dongfeng Team Race). Nous avions eu 35 nœuds de vent moyen et une houle de 10 mètres, ça donnait des images impressionnantes, surtout que sur les Volvo 65, tu es tout le temps dehors en train de barrer et de régler, tu es sous les vagues. » Ce qui est moins le cas sur Sodebo Ultim 3 : « Nous, on cherche de la mer plate et des vents de 20 nœuds ; d’après les prévisions du jour, ce sont des conditions qu’on devrait pourvoir garder quasiment jusqu’au Cap Leeuwin. »

 

Et Thomas Rouxel de conclure : « Faire le tour du monde sur un trimaran Ultim, c’est le rêve de tout marin ; ça va relativement vite, 40 jour en mer, dans un « confort » quand même très bon par rapport à un Volvo 65, où tu es tout le temps sous l’eau, ou même un Imoca qui est un bateau très dur. C’est le top, je suis content de revenir dans ces coins sur Sodebo Ultim 3, même si ça reste le Sud : on va avoir froid, on va être tout le temps mouillés parce que le taux d’humidité est de 100%, il y aura sans cesse de la condensation dans les bannettes, ça reste un confort relatif. »

 

SODEBO ULTIM 3 PLEIN POT : Plus de 400 nm d’avance !

Comme prévu par la cellule de routage, Sodebo Ultim 3, parvenu à se positionner à l’avant d’une dépression se décalant vers l’est, a débuté vendredi soir un long bord de vitesse qui va le mener jusqu’aux Kerguelen. Samedi matin, Thomas Coville et ses sept équipiers affichent une moyenne de 34 nœuds, ce qui leur a permis d’accroître leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, de plus de 400 milles.

 

Jean-Luc Nélias avait résumé le programme du week-end vendredi dans son bulletin météo quotidien : « A partir de ce soir, la course de vitesse débute. » Et effectivement, depuis plusieurs heures, Sodebo Ultim 3, après en avoir terminé avec le contournement par l’ouest de l’anticyclone de Sainte-Hélène, a considérablement allongé la foulé. Ce samedi matin, sa moyenne sur les dernières 24 heures est de 34,2 nœuds et ce long bord de vitesse dans les 40e, bâbord amure à l’avant d’une dépression, va durer encore quelques jours, jusqu’aux Kerguelen. Auparavant, l’équipage aura basculé dans l’océan Indien au niveau du Cap des Aiguilles, point le plus méridional de l’Afrique du Sud situé après Bonne-Espérance, lundi matin, soit en 12 jours environ, l’objectif en partant d’Ouessant le 25 novembre.

 

 

En prévision du Grand Sud, le boat-captain François Duguet est confiant quant à la capacité de Sodebo Ultim 3 à encaisser ces journées à plein régime :« Je n’ai aucune appréhension, le bateau est prêt, l’équipage aussi, j’ai hâte d’y aller. » Chargé de veiller techniquement sur le trimaran, le marin de 39 ans n’a, de son propre aveu, pas eu grand-chose à faire de ce côté-là depuis le départ il y a un peu plus de 10 jours : « Les 4-5 premiers jours, je n’ai même pas ouvert la caisse à outils. Ensuite, on a profité de la traversée du Pot-au-noir pour faire quelques bricoles, mais c’était surtout du préventif et de la sécurité. » Ce qu’il regarde en priorité quand il fait un « check » du bateau ?

 

« D’abord tout ce qui est gréement : bôme, mât haubanage, ancrage. Après les bras de liaison, la structure en dessous pour voir s’il n’y a pas d’impact ; enfin les systèmes de transmission de barre et les safrans. En gros, tout ce qui n’est pas visible depuis la cellule de vie. »

 

A bord, celui qui confie être « toujours bien en mer », joue aussi, avec sa bonne humeur, les « ambianceurs », sans se forcer : « Je ne sais pas si je suis le boute-en-train de l’équipage, disons que je suis peut-être un peu plus expressif, que j’ai le verbe un peu plus haut que certains, même s’il y en a qui ne sont pas en reste. C’est important quand on part pour 40 jours, dans un espèce de huis clos, de garder une bonne ambiance pour que le moral reste haut, ça passe par des bons mots et des petits moments relax. »

 

Cette bonne ambiance est également alimentée par Thomas Coville qui donne la cadence à bord :

« Personnellement, c’est une découverte pour moi de partir aussi longtemps sur un record et de ne pas avoir de concurrent direct, poursuit François Duguet. Ce n’est pas facile, il faut parfois se faire un peu violence, se remotiver constamment, mais Thomas est là pour ça et il le fait très bien. Il nous rappelle à l’ordre, nous demande de rester focus sur les chiffres et les réglages. Sur un record, on se bat contre nous-mêmes, ça demande une concentration de tous les instants. »

 

APRÈS LES EMPANNAGES, LA DÉPRESSION ?

La journée de jeudi a été animée à bord de Sodebo Ultim 3 avec une succession d’empannages dans un couloir de vent de nord-ouest au large du Brésil. L’objectif de Thomas Coville et de ses sept équipiers, qui comptent vendredi matin 140 milles d’avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, est de se placer à l’avant d’une dépression qui devrait les emmener jusqu’au Cap de Bonne-Espérance puis aux Kerguelen. 

 

 

La concentration était de mise jeudi pour l’équipage de Sodebo Ultim 3, conscient de vivre ce que Thomas Coville appelait « un moment un peu crucial » du tour du monde. L’enjeu était de réussir la transition entre les alizés de sud-est de l’Atlantique Sud et les mers du Sud, donc d’être au rendez-vous ce vendredi d’une dépression salvatrice à même d’emmener Sodebo Ultim 3 à vive allure vers l’Afrique du Sud et l’Océan Indien. Il a fallu enchaîner une dizaine d’empannages pour descendre en escalier dans un couloir de vent d’environ 300 milles de large, d’où une grosse dépense physique à bord.

 

« Ça va s’accélérer très fort à partir de vendredi soir, a expliqué jeudi Thomas Coville, lors du live hebdomadaire du jeudi à 18h30. On devrait être un peu en avance sur Idec Sport à Bonne-Espérance, qu’on pourrait franchir en 11 jours et 10 heures, et à peu près dans les mêmes temps que lui aux Kerguelen. Les 24-48 heures qui arrivent vont être décisives pour savoir si on peut véritablement accrocher cette fenêtre »

 

 

Autant dire que pour saisir cette opportunité d’attaquer les 40e à pleine vitesse, il faut beaucoup de concentration à la barre, spécialité de quelques marins à bord, dont François Morvan. Qui explique, à propos de la spécificité de barrer un trimaran volant : « Par rapport à un bateau archimédien, le fait que le foil vienne stabiliser l’assiette du bateau rajoute un paramètre au panel des sensations dont on a besoin pour barrer. »

 

Le Morbihannais de 37 ans, s’il a déjà bouclé un tour du monde (avec Spindrift 2 sur le Jules Verne), s’apprête à découvrir la navigation volante dans les 40e.

 

« Je n’ai pas d’appréhension, mais il faut quand même être prudent car on s’engage dans un endroit relativement hostile. Maintenant, une partie de l’équipage connaît bien ces mers, Thomas a quasiment passé la moitié de sa vie là-bas, on est bien entourés. »

 

Sur ce Jules Verne, François Morvan navigue pour la première fois au large avec son complice des « années cata », Matthieu Vandame, dont il dit : « C’est un roc, je ne l’ai jamais vu faiblir. Peu importe l’adversité, il est égal à lui-même. Ensemble, on a fait pas mal de petit cata, on a arrêté en 2011 en se lançant dans des projets séparés avec pas mal de réussite l’un et l’autre, puis nous avons refait un Tour de France ensemble en 2015 et on s’est de nouveau retrouvés l’année dernière sur SailGP et en Easy To Fly (catamarans volants dans les deux cas). C’est toujours un plaisir de naviguer avec lui, on a appris plein de choses chacun de notre côté, c’est très agréable de réunir ces compétences apprises ailleurs sur ce Jules Verne. » Et ça marche, puisque Sodebo Ultim 3 est toujours en avance sur le tableau de marche d’Idec Sport…

 

CAP VERS BONNE-ESPÉRANCE

Après un long bord bâbord amure de quelques jours qui a commencé à la sortie du Pot-au-noir, Sodebo Ultim 3 a empanné mercredi soir au large de Rio de Janeiro pour mettre le cap vers le sud de l’Afrique du Sud qu’il devrait atteindre en un peu moins de 12 jours. Flashé jeudi matin à 33 nœuds avec 162 milles d’avance sur le tableau de marche d’Idec, le trimaran devrait bénéficier à partir de vendredi d’un renforcement du vent pour se retrouver rapidement plongé dans l’ambiance du Grand Sud. 

 

La fin de l’été brésilien se profile pour l’équipage de Sodebo Ultim 3 qui ne devrait pas tarder à changer d’ambiance, puisque d’après la cellule de routage, il sera dès samedi dans les quarantièmes, à l’avant d’une dépression qui devrait le mener rapidement vers l’entrée de l’océan Indien, matéralisée par le Cap des Aiguilles. « Il fait un peu plus frais depuis quelques heures, on sent qu’on plonge dans le Sud et que dans quelques jours, on va remettre les polaires, les bottes, les sous-couches et rentrer dans le vif du sujet de ce tour du monde qu’est le Grand Sud », confirme Martin Keruzoré, le media man, qui, sur ce Trophée Jules Verne, aide aussi l’équipage pour les manœuvres.

 

Hors quart, le Breton de 30 ans a dû trouver son rythme pour se fondre dans ce double rôle :

« Je ne suis pas géré par la montre comme les autres qui font des quarts depuis le début. J’ai donc pris le parti de vivre avec le soleil pour passer le maximum de temps sur le pont, ne pas rater les temps d’échanges entre les gars, les lumières rasantes du matin et du soir, j’essaie juste de faire une petite sieste dans la journée. Et les manœuvres viennent modifier ma routine : je me lève la nuit s’il y a besoin d’assister les gars et de tourner les manivelles. Au bout de quelques jours, j’ai compris à quels moments je devais être présent pour les aider et ceux où je pouvais prendre du recul pour les filmer. »

 

 

Témoin privilégié de la vie de l’équipage, Martin Keruzoré se réjouit de l’ambiance qui règne à bord : « Le groupe est vraiment soudé. Tout le temps que nous avons passé ensemble depuis le début de l’année a été bénéfique. Il n’y a pas de surprises parce qu’on se connaît tous. On est vraiment heureux d’être là, ce n’est que du bonheur, j’espère que ça se voit à terre, on a tous des personnalités différentes, mais ça fait une super entité. » Une entité menée de main de maître par Thomas Coville, qui, d’après le media man, « joue parfaitement bien son rôle de chef d’équipe, il est toujours là pour écouter les gars, pour les mettre en confiance, c’est super positif pour la suite et notamment pour le Sud que certains ne connaissent pas. »

 

Et le skipper de Sodebo Ultim 3 est souvent là pour partager les repas, moments de convivialité appréciés par tous. « On mange des pâtes deux fois par semaine, c’est Thomas Rouxel qui s’en charge, c’est le professionnel de la cuisson. On se retrouve alors tous autour de la cuisine qui est bien placée pour la vie à bord, assez centrale, ce sont des moments sympas », ajoute Martin Keruzoré. Qui, en plus de ses rôles de media man et de régleur, est le préposé, avec Thomas Rouxel, à l’avitaillement :

« Je monte tous les jours les sacs de repas lyophilisés stockés dans la coque centrale, ça me permet aussi de voir ce qui a été consommé la veille, de faire un inventaire pour qu’on ait de quoi tenir 40 jours. »

 

UN PEU DE CALME AVANT LE GRAND SUD

Parti il y a maintenant une semaine, Sodebo Ultim 3, qui a déjà parcouru 3700 milles (6860 kilomètres), poursuit sa descente de l’Atlantique Sud le long des côtes brésiliennes, avec de nouveau de bonnes moyennes (28 nœuds lors des 24 dernières heures). Ce qui a permis à l’équipage mené par Thomas Coville d’accroître son avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (155 milles à 6h mercredi).

 

Depuis mardi matin, Sodebo Ultim 3 longe les côtes du Brésil dans un régime d’alizés de sud-est plutôt agréable, comme l’explique Sam Goodchild, l’un des huit équipiers de l’Ultim :

« C’est plutôt calme, la mer est assez plate, le vent pas trop fort, même pas assez de temps en temps, mais on arrive quand même à garder des vitesses entre 20 et 30 nœuds. C’est un bon moment pour se reposer parce qu’il n’y a pas trop de changements de voiles et de conditions, c’est aussi l’occasion de « checker » le bateau avait d’aller dans les mers du Sud, où il fera plus froid et où on trouvera plus de vent et de mer. »

 

Le Brésil rappelle d’ailleurs de bons souvenirs au seul Britannique du bord, qui a fêté ses 31 ans quelques jours avant le départ :

« Il y a un an pile, j’étais à peu près au même endroit pour l’arrivée de la Transat Jacques Vabre, nous avions terminé deuxièmes avec Fabien Delahaye en Class40. Et juste avant Salvador de Bahia, nous avions été doublés par Sodebo Ultim 3, qui disputait la Brest Atlantiques. C’est un super souvenir et c’est chouette de revenir le long du Brésil un an plus tard avec ce beau bateau et un super équipage. »

 

 

 

A bord de Sodebo Ultim 3, les quarts s’enchaînent pour les sept équipiers (Thomas Coville est hors quart) :

« On fait chacun une heure de stand-by, deux heures sur le pont, puis une autre heure de stand-by, avant d’aller deux heures au lit, poursuit Sam Goodchild. Il n’y a jamais de changement de quart complet, une personne change toutes les heures. Cela permet d’avoir toujours sur le pont quelqu’un qui a suivi ce qui s’est passé depuis une heure, mais aussi de tous se croiser au moins une fois dans la journée, c’est sympa. »

 

Ces conditions d’alizés vont continuer dans la journée de mercredi, avant un prochain changement de système météo assez incertain si l’on en croit l’Anglais :

« La transition entre les alizés et les mers du Sud risque d’être un peu compliquée, mais ça a l’air de pouvoir bien se passer. On va en tout cas tout donner pour négocier cette transition efficacement et rapidement avant de se retrouver dans les mers du Sud où les conditions seront plus dures et où il faudra faire plus attention, parce qu’on sera loin de tout. »

 

JOUR 6 : LE BRÉSIL À TRIBORD !

Au lendemain du passage de l’équateur, Sodebo Ultim 3 navigue mardi matin au large de la pointe nord-est du Brésil, à la hauteur de Natal. Thomas Coville et ses sept équipiers ont réussi à accroître un peu leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (environ 70 milles), détenteur du Trophée Jules Verne.

 

Le passage de l’équateur, lundi à 12h45 après 5 jours 9 heures et 50 minutes de mer, aura été accueilli avec soulagement par l’équipage après un Pot-au-noir complexe. Mais aussi avec un peu d’émotion pour le « bizuth » du bord, Corentin Horeau, pour qui c’était une première.

 

« J’aurais pu le passer une première fois sur la Transat Jacques Vabre en 2015 avec Nicolas Troussel en Class40, mais nous avions abandonné, ce qui nous avait privés d’équateur. Ce n’était donc que partie remise. Maintenant, après cette première, j’ai hâte de passer les autres échéances du tour du monde, et notamment les fameux caps, Bonne-Espérance, Leeuwin, et le Cap Horn. »

 

 

Le programme du jour à bord de Sodebo Ultim 3, qui progresse à environ 20 nœuds de vitesse moyenne depuis la sortie du Pot-au-noir dans un alizé modéré de sud-est ? « Descendre le plus vite possible vers le sud le long du Brésil, puis négocier au mieux le passage de l’anticyclone pour faire un temps pas mal au Cap des Aiguilles (le point le plus méridional de l’Afrique du Sud, qui marque l’entrée dans l’Océan Indien) », répond le marin de La Trinité-sur-Mer.

 

Qui se réjouit de la « super ambiance » à bord, essentielle pour que tout le monde soit focalisé sur la performance :

« On a désormais trouvé notre rythme, on sent que tout le monde est plus à l’aise sur ses quarts ; la nuit dernière (de dimanche à lundi), nous étions tous un peu KO parce que nous avions pas mal bossé dans le Pot-au-noir, ce n’est en plus pas évident de dormir la journée, il fait très chaud à l’intérieur. Mais tout va bien, nous n’avons pas de grosse casse, juste un peu de bricolage, et dans ce cas, on a notre McGyver (le boat-captain François Duguet), qui, dès qu’il y a un peu de moins de vent, sort la caisse à outils. »

 

Le prochain objectif météo, après la descente des côtes brésiliennes, va être le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène, situé au milieu de l’Atlantique Sud, avant le Grand Sud d’ici quelques jours. « Quand on n’y a jamais été, il y a forcément de l’appréhension, on se pose plein de questions, c’est normal. On va voir à quoi ça va ressembler, j’ai hâte. En tout cas, je suis à fond ! », sourit Corentin Horeau.

 

RÉACTION DE THOMAS COVILLE AU PASSAGE DE L’ÉQUATEUR : « UNE GROSSE ENVIE ET UNE VRAIE COHÉSION »

Sodebo Ultim 3 a franchi l’équateur lundi à 12h45 (heure FR) après 5 jours 9 heures et 50 minutes de mer. Découvrez les premières réactions de notre skipper Thomas Coville, et de ses équipiers.

 

Comment se sont passés ces cinq premiers jours de course ?

« Depuis le départ, on a déroulé notre feuille de route, avec un début de tentative viril, comme ils le sont toujours parce qu’on essaie de partir avec du vent. Au large de Lisbonne, il y avait du vent et de la mer soutenus, nous avions alors une confrontation avec l’équipage de Gitana très intéressante, qui créait de l’émulation. Ensuite (après le demi-tour de ce dernier), nous avons continué seuls depuis les Canaries, avec une descente et une glisse relativement faciles. Lorsqu’on navigue au-dessus de 30 nœuds il faut rester concentrés et vigilants. Jusqu’ici, nous n’avons pas eu d’alizés très forts, ce qui nous a handicapés fortement hier dans tout le passage du Pot-au-Noir. »

 

Ce Pot-au-Noir a-t-il été compliqué et quelle est la suite du programme ?

« Nous avons dû beaucoup manœuvrer pour arriver à s’extraire de cette zone de transition qui détermine souvent beaucoup de choses. Nous en ressortons cependant avec une petite avance sur Idec Sport. La suite, le long du Brésil, sera la partie qui, je pense, va être la plus facile de ce tour du monde. Ça va être le moment de récupérer et de bien se préparer pour le Grand Sud. Pour l’instant, ce dernier se présente avec une dépression qui va nous cueillir au niveau du Brésil ou de l’Uruguay et nous emmènera jusqu’au Cap de Bonne-Espérance dans un temps honorable. Voilà pour la suite du programme qu’il faut toujours prendre avec précaution, parce que la météo peut vite évoluer. En tout cas, nous sommes tous super contents d’être là, l‘ambiance est très bonne, on veut absolument garder ça. Nous sommes dans cet état d’esprit de bien faire et ça se ressent sur les performances. Et le bateau est à 100% de son potentiel, on n’a rien abîmé, rien touché. »

 

Peux-tu nous dire comment, depuis le départ, tu as endossé ton rôle de leader de cet équipage ?

« En tant que chef de bord, je dois pousser l’équipage à mener le bateau pour qu’il soit performant. Mon objectif pendant ces cinq jours était d’instaurer une dynamique pour que chacun trouve son rythme et sa place. J’ai pour cela fait le choix d’être hors quart, de ne quasiment jamais barrer, afin de laisser beaucoup de responsabilités et d’initiatives à chacun. Je pense que ça a permis aux gars d’être plus en confiance. Ces premiers jours ont donné le ton, ils ont une importance déterminante sur la dynamique qu’on lance sur 40 jours. Dans la compétition, avec de l’enjeu et des situations pas toujours faciles à gérer, tout le monde a répondu présent, a été très solidaire et très pro. On sent une grande envie et une vraie cohésion. »

 

 

Les autres mots du bord :

« Le bateau est en bon état, les bonshommes aussi, le Pot-au-noir n’a pas été très gentil avec nous, mais on continue, parce qu’il y a des chances de récupérer du chemin d’ici Bonne-Espérance où on espère être dans un peu moins d’une semaine. Tout le monde a le moral. »
Sam Goodchild

 

 « Même si on est désormais dans le rythme et qu’on sait qu’on est partis pour un long voyage, il y a un côté symbolique à passer l’équateur, c’est la première belle étape. Tout se passe bien, on tient un bon rythme à bord, les conditions météo sont correctes après un Pot-au-noir un peu difficile, on sent que ça repart, tout le monde est à bloc, on a bien rechargé les batteries. »
François Duguet

JOUR 5 : L’ÉQUATEUR EN VUE

Sodebo Ultim 3 est entré la nuit dernière dans le Pot-au-noir, vaste zone située au nord de l’équateur, dans laquelle convergent les alizés des hémisphères Nord et Sud et qui génère grains et bulles sans vent. D’où un ralentissement ce matin, qui ne devrait être que provisoire pour Thomas Coville et son équipage, attendus à l’équateur la nuit prochaine au bout d’environ cinq jours de mer.

Après une journée de samedi à 30 nœuds de moyenne tout droit cap au sud, les « Sodeboys » doivent faire face depuis la nuit dernière aux caprices du fameux Pot-au-noir. Cette large bande qui, au nord de l’équateur, s’étire du nord du Brésil au Golfe de Guinée, est également appelée zone de convergence intertropicale, parce que s’y retrouvent les alizés de nord-est de l’hémisphère Nord et de sud-est de l’hémisphère Sud. Leur confrontation crée un phénomène météo très perturbé, avec d’un côté des grosses bulles sans vent, dont il peut être bien compliqué de s’extirper, de l’autre, des grains parfois violents, le vent pouvant monter subitement de quelques nœuds à plus de 30.

 

 

Certains y ont laissé beaucoup de plumes, d’où l’extrême attention portée par la cellule de routage météo pour choisir le meilleur point d’entrée, afin de permettre à Sodebo Ultim 3 de traverser le plus vite possible ce Pot-au-noir. Et à bord, il faut redoubler de vigilance, à la fois pour aller au bon endroit et éviter ainsi de tomber dans des « molles », mais aussi pour adapter les réglages aux conditions susceptibles de soudainement changer. Samedi, dans sa vidéo du jour, Martin Keruzoré, le media man (et régleur) de l’équipe confiait d’ailleurs : « Le Pot-au-noir n’a pas l’air simple, donc à mon avis, la nuit va être longue avec beaucoup de manœuvres. »

Et effectivement, le Pot-au-noir n’est évident pour Thomas Coville et ses sept équipiers, qui depuis quelques heures, ont vu leur marche en avant ralentie, perdant une partie de leur avance sur le tableau de marche d’Idec Sport, détenteur du Trophée Jules Verne (125 milles dimanche à 8h). Mais une fois sorti de la zone, sans doute dans la journée, Sodebo Ultim 3 va de nouveau reprendre de la vitesse pour basculer, la nuit prochaine, dans l’hémisphère Sud, après plus ou moins 5 jours de mer. Le chrono de référence à l’équateur est détenu par Spindrift 2 en 4 jours 19 heures et 57 minutes (janvier 2019), Idec Sport avait de son côté mis 5 jours 18 heures et 59 minutes lors de son Jules Verne victorieux il y a quatre ans.

François Morvan explique le pot-au-noir :

LE MOT DU BORD DE THOMAS COVILLE LE 28 NOVEMBRE À 13H

Toujours aussi intense ces départs de tour du monde. Je ne sais pas si on peut s’y préparer ou s’y habituer, mais les émotions ou sentiments qui se déversent dans ces moment génèrent toujours une sensation étrange, entre la boule au ventre, l’envie de revivre ça et de retourner là bas, où les conditions de vie changent votre rapport au monde et à l’autre.
Vivre autrement c’est sûr ! Dans une parenthèse, comme une chance de plus être autrement, ou tout simplement vraiment.

Départ de nuit avec le phare de Créach qui tourne autour de nos têtes, et cette ligne qui coupe la manche et détermine le point de départ et d’arrivée, qui matérialise une boucle autour avant le tour du continent antarctique .

Jean Luc, après nous avoir tous stressés à partir vite, nous laisse quelques heures pour souffler, reprendre nos esprits, tenter de dormir et d’évacuer le trop plein d’émotions, se remettre comme dans une fuite en avant dans le réel et la technique du départ. Choisir l’angle, la voile, le bon timing pour lancer toute l’envie dans une vitesse.

Nous ne serons pas seul sur ce départ. Après avoir préféré différer leur départ de quelques jours, Franck et son équipe ont décidé de nous matcher ! Ca n’est pas anodin, de partir sur un Jules Verne, mais encore moins d’être chasser par une telle équipe dont les ambitions sont affichés clairement : « être les premiers à voler autour du monde ! ». Le bateau, l’équipe, tout est optimisé depuis des années pour réussir ce pari audacieux .

 

 

Ca part vite, même très vite. Je laisse la barre à Thomas Rouxel pour le départ et endosse le rôle de skipper / navigateur pour donner le tempo, la feuille de route avec Jean-Luc et la trajectoire.

Rapidement après être tombé dans une zone que je ne me suis pas vraiment expliquée, Franck et son équipe reviennent sur nous et nous retrouvons bord à bord. Je m’offre un petit appel à la VHF et tombe sur Erwan. La conversation n’a pas d’intérêt mais c’était pour marquer la proximité de notre engagement mutuel et mon respect d’être bord à bord avec eux.
Incroyable duel en visuel ou les équipes se livrent et se retrouvent sur l’eau, avec l’enjeu de ne pas perdre cette premiere grande confrontation… Et pourtant la route est tellement longue que de se laisser prendre au jeu du seul match serait une erreur de stratégie dont ni l’un ni l’autre de sortirait gagnant .

Les conditions se musclent ; le vent fort autour de ce centre dépressionnaire aux alentours de Lisbonne est bien présent, et la mer est courte et délicate par moment à négocier à haute vitesse. Il va falloir gérer et ça commence par là, un Jules Verne. Doser, gérer, analyser, comprendre et agir avec souvent ses tripes, un feeling, une expérience, un ressenti d’une autre situation qui te revient alors. Jacques , Laurent , Olivier , Bruno, Knut… et tant d’autres, ils auraient fait quoi ?

A 8, le schéma est tout autre de ce que j’ai l’habitude, et j’ai confiance en eux alors je me fais confiance. On décide d’une approche et d’une configuration de voile de base, de foils, d’appendices autour de laquelle on va tourner et oeuvrer comme une base de la recette, et on va tout articuler autour de cette séquence . Le mauvais choix peut être fatal .

On va alors dérouler et enchainer les manœuvres. Je ne compte pas et on s’adapte. Changement devant et prise de ris se succédant dans le bon ordre, on a le rythme et ça passe bien . L’équipe répond parfaitement, pas d’erreur, pas de faux pas. On a répéter et répéter ces séquences pour les jouer maintenant. Sam au piano, excelle , Mat [Matthieu Vandame] voit tout et de sa puissance physique donne le rythme, ils se relaient devant et derrière sur le field avec François [Duguet] et Corentin qui contrôlent et rassurent. On prend notre temps. François [Morvan] et Tom [Rouxel] à la barre son sûrs, prudents et respectueux des gars dehors exposés, et du matériel. Martin est là et il observe tout de son oeil d’expert, rien ne lui échappe, il est mes yeux quand je dors, il se consacre aux autres pour que tous soit là au moment ou j’ai besoin d’eux.

Ca passe .

On se sert alors de l’autre trimaran pour se caler en vitesse et en exigence. Quelle pression, certes, mais quelle chance !

Hier je m’étais allongé à coté de la table à carte pour récupérer de ce passage, de l’empannage qui allait quasiment décider de notre passage dans 2 jours du pot au noir, quand j’entends que ça parle fort . Big news !
« Ils font demi tour … Ils ont touché … ». Je ne mets pas très longtemps à comprendre. A quelques dizaines de milles derrière nous ,l’ incident leur est arrivé. Celui que l’on redoute tous. Celui que l’on ne souhaite même pas à son pire adversaire pour l’avoir subit déjà à de nombreuses reprises. L’avarie qui élimine sans option ou si rarement .
Naviguer avec Franck a été l’une de mes plus grande chance, concourir contre lui est un privilège qui demande d’être à son meilleur niveau.

Je vous salue messieurs, Franck, Charles, Erwan, Yann, David, Morgan. Je garde pour moi cette image de ce trimaran sublime qui volent au dessus de l’eau, qui dégage une telle puissance. Ce bateau hors norme qui nous inspire tous. Sans nul doute que vous y retournerez, je vous le souhaite .

Thomas, au large du Cap Vert

JOUR 3 : 24 HEURES À 31,5 NŒUDS ET UN ANNIVERSAIRE FÊTÉ !

Sodebo Ultim 3, qui a parcouru 755 milles en 24 heures, à 31,5 nœuds de moyenne, évolue à la latitude des Canaries ce matin, avec une avance de 124 milles sur le tableau de marche d’Idec Sport, détenteur du Trophée Jules Verne. Après 48 premières heures engagées, Thomas Coville et ses sept équipiers devraient bénéficier dans la journée de conditions de plus en plus favorables à une belle glisse vers l’équateur.

Les sourires étaient lumineux sur les visages des « Sodeboys » jeudi sur le coup de 18h à l’occasion du premier « live » hebdomadaire organisé depuis la base du Team à Lorient. Thomas Coville a pu évoquer en direct un début de Trophée Jules Verne engagé : « On a traversé beaucoup de grains, avec un vent instable en force et en direction, qui a nécessité de sans cesse réagir aux conditions changeantes. Le vent est soutenu, mais c’est ce qu’on voulait et d’ici quelques heures, ça va s’apaiser et on va rentrer dans une phase plus volante. J’ai l’impression d’être parti depuis très longtemps, alors que ça fait à peine 36 heures. Tout le monde a pris son rythme, les quarts se succèdent, on a réussi à bien dormir et manger, on prend un plaisir incroyable. »

 

 

Et Sodebo Ultim 3 a déjà atteint d’impressionnantes vitesses, puisque le skipper a ajouté : « Pour l’instant, c’est François Morvan qui a la palme avec une pointe à 48,9 nœuds, mais ce n’est pas l’objectif, on essaie plutôt d’avoir des vitesses moyennes élevées qui n’altèrent pas le bateau. Il faut tout le temps avoir en tête le compromis entre la performance et l’usure du matériel, c’est à moi qu’incombe cette responsabilité, donc je ne pousse pas forcément les gars à aller très vite, parce que le risque est de brusquer le bateau et de les fatiguer. »

L’équipage a vécu jeudi son premier anniversaire à bord, celui de Thomas Rouxel qui fêtait ses 38 ans et a eu le droit à un « gâteau sport », avec un briquet en guise de bougie, que lui a apporté le boat-captain François Duguet : « C’est loin d’être la première fois que ça m’arrive. L’an dernier déjà, j’étais sur Sodebo Ultim 3 lors du convoyage retour du Cap, a-t-il commenté. C’est une époque où, en général, on navigue beaucoup, j’ai l’habitude de passer mes anniversaires et mes Noël en mer. »

 

 

Les cadeaux du Costarmoricain ? Une avance sur le tableau de marche d’Idec Sport qui a doublé en 24 heures (124 milles ce vendredi matin) et des conditions qui vont peu à peu s’apaiser : « Après un début de course assez engagé, on ne va que vers du plus facile. Jusqu’ici, nous étions plutôt dans 25-30 nœuds de vent avec une mer jusqu’à 4,5 mètres ; on s’attend désormais à 15-20 nœuds et entre 1 et 3 mètres de mer, ça sera plus drôle. Car plus la mer est plate, plus le bateau est confortable à vivre tout en allant toujours aussi vite, ce sont les allures optimales pour Sodebo Ultim 3. »

Ce que confirmait jeudi soir le routeur du trimaran, Jean-Luc Nélias : « Le vent va peu à peu mollir et tourner, la mer va s’aplatir, la température se réchauffer. A partir de vendredi, ils seront dans des conditions d’alizés très sympas, mais qui ne vont pas durer si longtemps, parce que le bateau va très vite, ils devraient être à l’équateur en 5 jours environ. »