Arrivé à Fremantle (Australie Sud-Ouest) mercredi matin heure française, Yann Guichard revient sur les circonstances de l’abandon du trimaran noir et or lors de sa tentative de record autour du monde suite au bris de son safran de flotteur tribord. Spindrift 2 devrait être ramené en France par cargo ces prochains jours.
Le trimaran noir et or est enfin sécurisé dans le port de Fremantle (à côté de Perth, Australie occidentale) après cinq jours d’incertitude quant à la tenue du safran de flotteur tribord, dont la mèche s’est rompue entre les deux paliers… Après réflexion, la meilleure solution et la plus rapide consiste à rapatrier Spindrift 2 par cargo car il faudrait attendre au moins trois semaines pour récupérer de nouveaux safran.
« On va déjà démonter le safran et on s’organise pour faire ramener le trimaran par cargo. On a bien évidemment un doute sur l’autre safran et c’est prendre un risque de revenir par la mer à notre base, vu que nous sommes quasiment à l’autre bout du monde. Tout l’équipage et les cinq hommes du team technique qui nous ont rejoint, vont se focaliser sur la préparation de ce retour cargo : il faut démâter et mettre le bateau propre pour ce voyage. » précisait Yann Guichard quelques heures après son arrivée au port australien.
EN ATTENTE D’ANALYSES
« Nous avons cassé le safran du flotteur tribord après les Kerguelen : on ne sait pas exactement à quel moment, mais Thierry Chabagny qui était à la barre, a indiqué qu’elle devenait très dure. Or nous n’avons rien touché ! Nous étions bâbord amures en train de remonter vers l’Est-Nord Est toujours au portant sous gennaker. Comme c’était de nuit, nous avons tenté de savoir pourquoi : le parallélisme, la tension des drosses, un objet dans les safrans… Mais rien de tout cela. Et quand nous avons changé de barreur, toujours le même effet : difficile de lofer ou d’abattre. Cela devenait même de plus en plus « inbarrable » car le bateau faisait ce qu’il voulait. On s’est rendu compte au petit jour que la mèche du safran tribord était cassée entre les deux paliers, à l’intérieur du flotteur. Le safran ne tenait plus à grand-chose et partait en latéral : il faisait sa vie au gré des vagues et des accélérations… » indiquait le skipper de Spindrift 2 mercredi midi de Perth.
Très déçus par cette avarie alors que le trimaran noir et or était parfaitement dans les temps du record du Trophée Jules Verne avec de bonnes conditions météorologiques pour aborder le Pacifique et le cap Horn, Yann Guichard et ses onze hommes souhaitent désormais des explications.
« Nous allons analyser ce qu’il s’est passé mais je ne cache pas que je suis extrêmement déçu et tout l’équipage avec moi : nous étions plutôt bien placés et dans les temps du record avec des conditions plutôt favorables à suivre… Et puis après le démâtage avant même le départ il y a un an, cela fait la deuxième fois que le matériel nous lâche ! Là, on a eu la chance de ne pas avoir perdu le safran parce qu’il aurait pu arracher le bas du flotteur… Nous allons pouvoir regarder si c’est un défaut de fabrication ou un mauvais calcul de structure. Certes nous avons effectué ce périple jusqu’aux Kerguelen essentiellement en bâbord amures, mais tout de même : nous n’avons jamais tiré plus que nécessaire sur le bateau avec beaucoup de vent très portant, entre 140° et 155°. Spindrift 2 va beaucoup plus vite qu’il y a trois ans lors de notre première tentative : nous avions les cartes en main malgré des conditions météorologiques moins favorables que celles d’IDEC Sport dans l’océan Indien ! C’est vraiment frustrant de savoir que nous n’avons rien touché, que nous n’avons rien fait d’anormal pour que cela se produise…»
UN POTENTIEL ACCRU
Et si la fenêtre météorologique pour claquer le record entre Ouessant et l’équateur était très favorable (4j 19h 57’), il a tout de même fallu exploiter le potentiel de Spindrift 2 sur ce premier tronçon et effectuer le grand tour de l’anticyclone de Sainte-Hélène pour atteindre la longitude du cap de Bonne-Espérance, puis passer sous les Kerguelen malgré la présence d’icebergs. Au moment de la rupture du safran, l’équipage possédait encore quelques dizaines de milles d’avance…
« Nous avons au moins démontré que nous pouvions aller très vite puisque nous avons le record entre Ouessant et l’équateur, alors qu’il a fallu enchaîner huit ou neuf empannages, contre un seul il y a trois ans ! La combinaison du petit mât avec les plans porteurs fait que le flotteur est un peu moins dans l’eau avec moins de surface mouillée : on va vraiment plus vite. Et l’équipe était incroyable : on avait une alchimie remarquable avec douze hommes à bord. C’était le bon nombre et tout le monde a trouvé sa place rapidement. La modification de la casquette qui nous protège mieux du vent et du froid, a aussi porté ses fruits : on est descendu quasiment par 55° Sud avec une eau à 2°C, à slalomer entre les glaces ! »
Et avant d’envisager une nouvelle tentative ou un programme revisité, Yann Guichard se laisse le temps de la réflexion en fonction des résultats des analyses permettant de comprendre pourquoi la mèche de safran s’est rompue sans aucun choc…
« Pour l’instant, on se concentre sur les explications à trouver pour cette casse de safran : au-delà du coût, c’est aussi un délai de fabrication et les chantiers sont plutôt occupés ces prochains mois… S’il faut refaire une pièce différente, cela va prendre beaucoup de temps. C’est encore un peu tôt pour savoir ce que nous allons décider : il faut attendre la réunion que nous allons organiser avec tous les intervenants et les analyses de cette casse. On va d’abord se poser et réfléchir avant de prendre une décision quant à la suite du programme, Trophée Jules Verne ou pas l’hiver prochain… »
ÉQUIPAGE DE SPINDRIFT 2 :
Yann Guichard (skipper) voir son portrait
Erwan Israël (navigateur) voir son portrait
Jacques Guichard (chef de quart / barreur-régleur) voir son portrait
Christophe Espagnon (chef de quart / barreur-régleur) voir son portrait
Xavier Revil (chef de quart / barreur-régleur) voir son portrait
François Morvan (barreur-régleur) voir son portrait
Thierry Chabagny (barreur-régleur) voir son portrait
Sam Goodchild ((barreur / numéro un) voir son portrait
Erwan Le Roux (barreur-régleur) voir son portrait
Duncan Späth (barreur-régleur) voir son portrait
Benjamin Schwartz (barreur / numéro un) voir son portrait
Jackson Bouttell (barreur / numéro un) voir son portrait
—
Jean-Yves Bernot (routeur)
LE TROPHÉE JULES VERNE DE SPINDRIFT 2 EN BREF :
Départ et arrivée : ligne entre le Phare de Créac’h (Ile d’Ouessant) et le Cap Lizard (Angleterre)
Tour du monde du monde en équipage par les trois caps (Bonne Espérance, Leeuwin, Horn)
Distance la plus courte à parcourir : 21 600 milles (environ 40 000 kilomètres)
Ratification : World Sailing Speed Record Council,
www.sailspeedrecords.com
Temps actuel à battre : 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes
Vitesse moyenne : 21,96 nœuds
Date du dernier record : janvier 2017
Détenteur : IDEC Sport, Francis Joyon et ses 5 hommes d’équipage
Date début de stand-by de Spindrift 2 : 5 novembre 2018
Date de départ de Spindrift 2: mercredi 16 janvier à 11 heures 47 minutes 27 secondes TU (soit 12 heures 47 minutes et 27 secondes heure française)- Ouessant – Equateur: 4j 19h 57′
– Ouessant – Cap de Bonne Espérance: 12j 13h 8′
– Ouessant- Cap des Aiguilles: 12j 14h 58′
– Equateur – Cap des Aiguilles: 7j 17hPour battre le record, Spindrift 2 devait être de retour avant le 26 février 2019 11:16:57 TU
RÉFÉRENCES DES TEMPS INTERMÉDIAIRES EN ÉQUIPAGE :
Ouessant-équateur : 4j 19h 57’ (Spindrift 2 en 2019)
Équateur-Cap des Aiguilles : 6j 08h 55’ (Banque Populaire V en 2012)
Cap des Aiguilles-Cap Leeuwin : 4j 09h 32’ (IDEC Sport en 2017)
Cap Leuuwin-Cap Horn : 9j 08h 46’ (IDEC Sport en 2017)
Cap Horn-Équateur : 7j 04h 27’ (Banque Populaire V en 2012)
Équateur-Ouessant : 5j 19h 21’ (IDEC Sport en 2017)
RECORDS WSSRC EN ÉQUIPAGE :
Traversée de l’Atlantique Nord (Ouessant-équateur) : 4j 19h 57’ (Spindrift 2 en 2019)* sous réserve validation WSSRC
Traversée de l’océan Indien (Cap des Aiguilles-Sud Tasmanie) : 5j 21h 07’ 45’’ (IDEC Sport en 2017)
Traversée de l’océan Pacifique (Sud Tasmanie-cap Horn) : 7j 21h 13’ 31’’ (IDEC Sport en 2017)
Équateur-Équateur : 29j 09h 10’ 55’’ (IDEC Sport en 2017)
Tour du monde (Trophée Jules Verne) : 40j 23h 30’ 30’’ (IDEC Sport en 2017)