Code orange activé, un nouveau départ pour conclure l’année 2020 ?

Il y a un mois jour pour jour, le Maxi Edmond de Rothschild était contraint de rebrousser chemin et d’interrompre sa première tentative de record sur le Trophée Jules Verne suite à un choc qui avait endommagé safran et foil du flotteur bâbord. Cet incident intervenant relativement tôt dans la période de stand-by fixée par le Gitana Team augurait d’un nouveau départ dès les réparations faites, mais surtout d’un créneau météo propice. Ce dernier pourrait se présenter dès mardi prochain et ce jusqu’au jeudi 31 décembre inclus.

 

 

Orange is the new black…
Après un long retour vers leur base lorientaise dicté par une météo atypique sur l’Atlantique Nord, les hommes du Maxi Edmond de Rothschild avaient confié début décembre le géant de 32 mètres aux mains expertes de l’équipe technique. Peu avant la trêve des fêtes de fin d’année, le dernier-né des Gitana était prêt à en découdre à nouveau grâce au remarquable travail et à la réactivité de l’équipe dirigée par Cyril Dardashti. Ne manquait alors que l’enchaînement météorologique espéré pour s’élancer sur les 21 760 milles nautiques théoriques de la grande boucle planétaire.
Depuis, la cellule météo composée des deux skippers, Franck Cammas et Charles Caudrelier, et de leur routeur Marcel van Triest, scrutait matin et soir les fichiers de prévisions pour trouver cette fameuse « fenêtre ». Une possibilité est actuellement étudiée et pourrait conduire à un franchissement de ligne au large de Ouessant entre le 29 et le 31 décembre. Par conséquent, le Gitana Team bascule ce dimanche en code orange !

 

Le routeur hollandais, véritable 7e homme de l’équipage, nous décryptait la situation atypique dans laquelle pourraient s’élancer les six marins dès mardi ; une fenêtre loin d’être parfaite mais qui retient aujourd’hui toutes les attentions à quelques jours de basculer en 2021 :
« Ce n’est pas un créneau extraordinaire comme nous l’espérions en début de stand-by, mais c’est un créneau à prendre au sérieux car il propose des temps de passage corrects sur le premier tiers du parcours. Actuellement la météo est très agitée au large de la Bretagne avec la tempête Bella qui a balayé les côtes atlantiques et celles de La Manche. Le vent va tourner au nord nord-ouest puis il devrait faiblir à compter de demain soir. L’état de la mer devrait également redevenir plus praticable. Ces conditions musclées et trop engagées bloquent pour le moment tout départ. Mais il ne nous faudra pas trop trainer car dans les prochains jours si les modèles voient juste une dépression se forme dans l’ouest sud-ouest des Canaries, au milieu de l’Atlantique, et son déplacement vers les côtes africaines pourrait venir totalement casser le régime d’alizés… » Rester vigilants, opportunistes et prêts à partir, tels sont les mots d’ordre du jour pour le Gitana Team.

 

Demain matin, les six marins du Maxi Edmond de Rothschild et l’équipe qui les accompagne dans cette quête de Trophée Jules Verne, se retrouveront à la base lorientaise de l’écurie aux cinq flèches pour un programme bien chargé. Entre briefing météo avec Marcel van Triest, tests PCR, chargement de l’avitaillement et préparation des affaires personnelles, le début de semaine se fera sur les chapeaux de roues, à l’image du défi que s’apprêtent une nouvelle fois à relever Franck Cammas, Charles Caudrelier, Yann Riou, Erwan Israël, Morgan Lagravière et David Boileau.

SODEBO ULTIM 3 MET LE CAP SUR LORIENT

Après cinq jours d’escale technique express, l’équipage de Sodebo Ultim 3 a quitté La Réunion mardi pour mettre le cap sur Lorient. Le trimaran géant devrait retrouver sa base à la mi-janvier.

 

 

L’équipage a été légèrement modifié, puisque Thierry Briend et Léo Legrand sont montés à bord remplaçants ainsi François Duguet, le boat-captain, et Martin Keruzoré, équipier-médiaman. Ils rejoignent donc le reste de l’équipage, également composé de Thomas Coville, François Morvan, Matthieu Vandame, Corentin Horeau, Sam Goodchild et Thomas Rouxel, et vont donc passer les fêtes en mer, entre océan Indien et Atlantique Sud.

 

Arrivé jeudi dernier au Port, au nord-ouest de La Réunion, six jours après avoir interrompu sa tentative sur le Trophée Jules, l’équipage de Sodebo Ultim 3 avait été rejoint par l’équipe technique, dépêchée sur place pour procéder aux réparations sur le safran tribord endommagé.

 

« Dès que le bateau est arrivé, on a tout de suite attaqué par les « checks » pour s’assurer qu’il n’y avait pas plus de boulot que ce que les navigants avaient vu et prévu, explique William Fabulet, responsable composite du team Sodebo. On a attaqué les réparations dès le lendemain pour remettre le bateau en état et permettre à l’équipage de repartir sereinement. Les marins nous ont aidés sur beaucoup de petits dossiers, tout ça s’est fait dans une bonne ambiance. »

 

Et rapidement, car grâce à l’énorme travail de toute l’équipe technique, Sodebo Ultim 3 a repris la mer mardi en début d’après-midi, après une escale technique qui aura duré cinq jours et aussi permis à l’équipage de partager des moments forts avec la population locale.

 

« Une escale comme ça, ça fait du bien, confirmait Thomas Coville au moment de quitter La Réunion. Quand on est athlète, on est dans le prisme du résultat, du chiffre, de la déception, et là, on arrive chez des gens qui sont dans la rencontre, l’échange. Cela confirme que nos projets ont un sens, c’est celui de partager. Je suis assez ému, on a tout le temps eu 20, 30, 40 personnes qui sont venues nous voir, de 7 à 77 ans, La Réunion est une très belle île qui fera partie de mon histoire et de l’histoire de ce Trophée Jules Verne. »

 

Place désormais à trois semaines de navigation que l’équipage compte bien mettre à profit pour continuer à progresser sur Sodebo Ultim 3.

 

« Léo s’occupe de l’électronique, c’était important qu’il puisse naviguer, parce que nous avons encore des développements à faire, explique Thierry Briend. De mon côté, comme je suis en charge des voiles, ça va me permettre de me concentrer dessus surtout que nous allons rencontrer différentes conditions de navigations et d’arriver avec de bonnes idées à la maison. »

 

SODEBO ULTIM 3 EN ESCALE TECHNIQUE À LA RÉUNION

Six jours après avoir renoncé à sa tentative sur le Trophée Jules Verne et après 23 jours de mer, l’équipage de Sodebo Ultim 3 est arrivé jeudi midi heure locale à La Réunion (9h, heure de la Métropole) – précisément au Port, au nord-ouest de l’île. Il devrait y rester entre 3 et 5 jours avant de reprendre la mer en direction de Lorient, son port d’attache.

 

 

Vendredi dernier, Thomas Coville et son équipage prenaient la difficile décision de mettre un terme à leur tentative sur le Trophée Jules Verne. L’avarie survenue sur le safran tribord ne leur permettait pas d’envisager une traversée du Pacifique avec un bateau fiable, et donc sûr, à 100%. La déception passée, les huit « Sodeboys » ont mis le cap sur La Réunion, alors distante de 2 300 milles, où ils sont arrivés ce jeudi matin, après un peu moins de six jours de mer.

 

« Nous avons été très bien accueillis, il y avait du monde, nous avons retrouvé notre équipe technique. Même si ce n’était pas le plan à l’origine de s’arrêter à La Réunion, ce sont toujours de bons moments », a commenté le skipper de Sodebo Ultim 3 au moment d’amarrer le trimaran. L’équipe technique dépêchée sur place est aussitôt montée à bord pour inspecter en détail le safran abîmé avant d’entamer les réparations.

 

« On estime entre 3 et 5 jours la durée de l’escale, l’objectif est de repartir vers Lorient rapidement tout en restant dans la dynamique de faire progresser le bateau. Quand on s’est arrêté, on s’est dit qu’on avait déjà fait quelque chose de formidable, on veut encore faire fructifier ce que nous avons appris et capitalisé sur la dynamique de notre équipe », explique Thomas Coville. Sodebo Ultim 3 devrait retrouver sa base mi-janvier après trois semaines de navigation.

Franck Cammas élu marin de la décennie

Comme chaque année, la Fédération Française de Voile récompense ses champions. Mais en cette année 2020 si particulière, elle a su s’adapter pour proposer une élection différente de l’accoutumée. Ce jeudi 17 décembre, c’est un jury d’experts qui s’est virtuellement réuni pour désigner le navigateur français considéré comme le meilleur de sa génération de 2010 à 2020. Franck Cammas a été élu marin de la décennie et ajoute ainsi une prestigieuse récompense à son incroyable palmarès. Mais outre les nombreuses victoires que compte le marin d’origine aixoise, expatrié en Bretagne depuis le milieu des années 90, c’est son parcours pluridisciplinaire allant de la course au large à la voile olympique sans oublier la Coupe de l’America, que le jury présidé par Michel Desjoyeaux a souhaité saluer par ce titre.

 

 

Très honoré de cette distinction, le skipper du Maxi Edmond de Rothschild nous confiait ses premières impressions : « Nous ne faisons pas notre sport pour recevoir des prix mais cela fait toujours super plaisir quand nous sommes distingués ainsi, surtout cette année où l’élection revenait sur la dernière décennie. Depuis mes débuts dans la voile, j’ai eu la chance incroyable de faire des disciplines très différentes : de la course au large en équipage et en solitaire, sur des petits et des très grands bateaux, de la voile olympique, du Match-racing à très haut niveau notamment avec la Coupe de l’America. Je suis un boulimique de travail et de navigation et j’adore évoluer et découvrir sans cesse de nouveaux supports. Dans mon parcours des dix dernières années, il y a eu des hauts, avec de très belles victoires, et des bas avec des échecs et un accident en entraînement en 2015 qui aurait pu avoir de lourdes conséquences. Dans ces dix ans, j’ai forcément des tonnes de très bons souvenirs, mais être à la barre d’un bateau français pour la coupe de l’America c’est rare et exceptionnel. Cela a été assez frustrant car nous n’avions pas toutes les cartes en main pour nous défendre sur l’eau mais j’en garde un très grand souvenir car c’était une expérience très forte. Avec cette distinction, je pense forcément à Groupama qui m’a accompagné une très grande partie de ma carrière et à toutes les personnes dans le team grâce à qui j’ai pu vivre tous ces beaux challenges.

 

Aujourd’hui mon quotidien s’écrit avec le Gitana Team et tout le groupe Edmond de Rothschild. Depuis deux ans, avec Charles Caudrelier nous sommes à fond sur ce projet. Gitana est une parfaite synthèse de ce que j’ai appris dans la dernière décennie. De la technologie, de l’innovation et du très haut niveau. Le vol est la grande révolution de ces dernières années. En rejoignant le Gitana Team à la barre du Maxi Edmond de Rothschild j’ai rejoint la démarche pionnière de toute cette équipe pour le vol hauturier. C’est une chance incroyable et j’espère pouvoir vivre autant de beaux challenges avec la même passion pour les dix prochaines années. »

 

 

Cette année, le président du Jury du marin de la décennie était un certain Michel Desjoyeaux, navigateur hors norme que l’on ne présente plus : « Je suis ravi de l’avoir appris de sa bouche ! Mich a non seulement été très inspirant pour moi mais il a aussi été très présent à mes débuts en Figaro. Il m’a permis d’apprendre en accéléré et ces années au Pôle d’entraînement de Port-la-Forêt représentent pour moi toute la genèse de ce qu’est la voile de compétition d’aujourd’hui avec toute la rigueur et le professionnalisme que l’on connaît », concluait le fraîchement élu marin de la décennie.

 

Mais Franck Cammas n’aura pas le temps de se reposer sur ses lauriers. Avec Charles Caudrelier et l’équipage du Maxi Edmond de Rothschild, le marin est à nouveau en stand-by pour s’élancer sur une nouvelle tentative de record dans le Trophée Jules Verne. Mi-novembre, l’équipe aux cinq flèches avait dû renoncer et rebrousser chemin après trois jours de mer suite à une avarie sur son safran et son foil bâbord. Après quelques jours de réparation dans son port d’attache lorientais, le dernier-né des Gitana est à nouveau à 100 % de son potentiel. Tous les voyants sont au vert et la cellule météo est à nouveau en quête de la fenêtre idéale pour s’attaquer au record du tour du monde à la voile.

 

 

Les grandes victoires de Franck Cammas, de 2010 à 2020

– Trophée Jules Verne 2010, avec Groupama 3, en 48 jours 7 heures 45 minutes
– Route du Rhum 2010, avec Groupama 3 en catégorie Ultime
– Volvo Ocean Race 2011-2012 avec Groupama 4
– Tour de France à la Voile 2013 avec le M34 Groupama
– Marin de l’année 2012 et 2013
– Champion du Monde de Class C 2013 et 2015
– Rolex Fastnet Race 2019 et record de l’épreuve, avec le Maxi Edmond de Rothschild
– Brest Atlantiques 2019, avec le Maxi Edmond de Rothschild
Sans oublier …
– Préparation Olympique en Nacra 17 pour les JO 2016 (non sélectionné)
– Participation à la Coupe de l’America 2017, skipper Team France


Jury du Marin de la décennie

– Michel Desjoyeaux – Navigateur, président du jury du marin de la décennie
– Henry Bacchini – Vice Président de la FFVoile
– Alain Pichavant – Directeur Général du Nautic Festival
– Capitaine de Corvette Patrice L’Hour – Chef du groupement Manoeuvre de l’Ecole Navale
– Commandant Henri Duval – Directeur Technique des Sports Militaires et President Fédération Internationale de Voile Sport Militaire
– Neuf journalistes
– Les votes du public qui comptaient pour deux voix (plus de 16 000 votes cette année)

THOMAS COVILLE : « C’EST UNE ÉVIDENCE QU’ON REVIENDRA »

Après un peu plus de 16 jours de mer, Thomas Coville a pris la décision vendredi avec son équipage de ne pas poursuivre la tentative sur le Trophée Jules Verne. Après avoir essayé de réparer le safran tribord de Sodebo Ultim 3 avec François Duguet, le boat-captain et le reste de l’équipe, le skipper a choisi d’agir en bon marin et de ne pas « tenter le diable ». Le trimaran fait actuellement route vers La Réunion où il est attendu en fin de semaine prochaine.

 

 

C’est une journée de vendredi particulière qu’auront vécue, à des milliers de kilomètres de distance, les huit équipiers de Sodebo Ultm 3 en plein milieu de l’océan Indien, et les membres du team dans la base de Lorient. Tout a commencé par des premiers retours de deux des barreurs du bord, François Morvan et Matthieu Vandame.

 

« Après une réflexion de François et de Matthieu sur leurs quarts qui avaient été difficiles à la barre dans du vent fort au portant, on s’est rendu compte lors d’un contrôle de routine qu’on avait un problème de direction, de safran, de gouvernail », explique Thomas Coville.

 

Après un premier diagnostic, le skipper décide de ralentir pour tenter de réparer le safran du flotteur tribord. Du côté de Lorient, l’équipe à terre se mobilise, comme le raconte Jean-Christophe Moussard, le team-manager : « On a un document spécial qui nous permet de gérer ces moments anxiogènes, pendant lesquels il y a beaucoup de choses à faire en même temps. Il faut notamment que les responsables techniques des pièces touchées rejoignent la cellule routage pour une coordination rapide et efficace avec le bateau. De notre côté, on est arrivé à la conclusion qu’après la réparation, le bateau ne serait plus à 100%. Mais, le dernier mot revient au skipper et à son équipage. »

 

A bord, Thomas Coville, après six heures passées avec François Duguet dans l’inconfort du flotteur tribord de Sodebo Ultim 3, se rend à l’évidence : « Le problème était plus sérieux qu’on ne le pensait au départ, si bien qu’il n’était plus possible de diriger le bateau avec les mêmes ambitions et surtout la même sécurité. » Le skipper, après avoir échangé avec la terre, réunit son équipage pour lui annoncer sa décision de renoncer à poursuivre cette tentative :

 

« C’est super dur de vous dire ça mais c’est aussi mon job de vous ramener et de ramener le bateau à son armateur. On n’est pas « out », on a fait un truc super jusqu’aux Kerguelen, on était devant, je ne pense pas qu’il faille tenter le diable avec un bateau qui n’est pas à 100%. »

 

Pour Jean-Christophe Moussard, « Thomas a pris la décision qui s’imposait, c’est un homme d’expérience, il sait que le Pacifique est un « no man’s land », où personne ne vient te chercher. Prendre ce genre de décision après six heures passées dans le flotteur, il faut être costaud. »

 

Les équipiers accusent forcément le coup, certains yeux sont rougis, mélange de fatigue et d’une déception légitime après 16 jours de navigation intense. Interrogé samedi matin par Martin Keruzoré, Thomas Coville résume : « Le fait de prendre cette décision quasiment à mi-chemin a été plus qu’une déception. Quand vous êtes dans une spirale, que vous avez quelque chose qui vous prend les tripes et que tout le groupe est dans cette même atmosphère, arrêter ça, c’est arrêter quelque chose de trop beau. Je n’étais pas uniquement dans la projection de battre le Jules Verne, je voulais aussi continuer à vivre ce moment, cette expérience, ce voyage, qui étaient tels que je l’avais imaginé avec ce groupe qu’on a formé. Je n’avais pas envie que ça s’arrête. »

 

S’il parle « d’une école d’humilité », le skipper de Sodebo Ultim 3 sait aussi tout le beau chemin qui a été accompli jusque-là : « Le prix à payer est un peu fort, je suis très déçu, mais je ne suis pas abattu parce que c’est une évidence : on reviendra. On a un groupe et un bateau pour le faire, on a un partenaire qui veut bien y retourner aussi, donc l’avenir est devant nous. On écrira d’autres histoires, mais on continuera d’abord celle-là, tellement elle a bien démarré, ce n’est pas fini ! »

 

Ce périple n’est en effet pas terminé puisque le trimaran fait désormais route vers La Réunion, où il sera rejoint par une petite équipe technique pour remplacer les pièces défectueuses. « Nous avons choisi La Réunion plutôt que l’Australie pour plusieurs raisons, explique Jean-Christophe Moussard. D’abord parce que les conditions météo étaient plus favorables pour rejoindre la Réunion, ensuite parce qu’on pouvait envoyer plus facilement une équipe technique. Pour l’Australie, les conditions sanitaires actuelles imposaient une quatorzaine en isolement. La Réunion est un département français, c’est donc beaucoup plus simple pour s’organiser. Pour rentrer à Lorient en passant par le Cap de Bonne Espérance, les systèmes météo sont plus favorables. Dans les premiers échanges que nous avons avec les Réunionnais, on les sent déjà très enthousiastes pour nous aider et nous accueillir, on va vivre de beaux moments de partage. »

 

L’escale à Port Réunion au Nord-Ouest de l’île devrait durer quelques jours, après quoi l’équipage reprendra la mer pour environ trois semaines jusqu’à Lorient où il est espéré à la mi-janvier. Un nouveau départ pour le Trophée Jules Verne sera-t-il alors possible cet hiver ? « Non, on ne repartira pas, le bateau aura fait plus qu’un tour du monde en nombre de milles, il a besoin d’être révisé, inspecté sous toutes ses coutures, mais nous allons profiter du retour pour continuer à travailler sur la connaissance et la performance de ce jeune bateau mis à l’eau en Mars 2019 », conclut le team-manager.

SODEBO ULTIM 3 MET FIN À SA TENTATIVE DE TROPHÉE JULES VERNE suite à une avarie de safran

Après un peu plus de 16 jours de mer, l’équipage de Sodebo Ultim 3 a décidé ce vendredi 11 décembre d’interrompre sa tentative sur le Trophée Jules Verne.

 

 

Alors qu’ils naviguaient entre les Kerguelen et le Cap Leeuwin, à plus de 30 nœuds, Thomas Coville et ses sept équipiers ont constaté une avarie sur le safran tribord. Après plusieurs heures de travail acharné, d’échanges avec l’équipe technique à terre, ils ont dû se rendre à l’évidence.

 

La réparation ne permet plus au bateau de naviguer à 100% de ses capacités pour tenter de battre le record du Trophée Jules Verne, ils ont décidé d’interrompre leur tentative débutée le 25 novembre à 2h55.

 

Thomas Coville, François Duguet, Sam Goodchild, Corentin Horeau, Martin Keruzoré, François Morvan, Thomas Rouxel et Matthieu Vandame auront montré que Sodebo Ultim 3 avait le potentiel pour battre le record d’Idec Sport (40 jours 23 heures et 30 minutes).

 

C’est donc légitimement très déçus qu’ils renoncent à la suite de ce tour du monde, mais avec la conviction que le record est à leur portée.
Pour la suite des opérations et des questions de logistiques, ils font route vers la Réunion – distante de 2300 milles d’où ils se trouvent actuellement – afin de fiabiliser le bateau et repartir en toute sécurité vers Lorient.

 

Patricia Brochard, co-présidente de Sodebo :

 

« S’engager sur le Trophée Jules Verne requiert une préparation humaine et technique de très haut niveau. Thomas, François, Sam, Corentin, Martin, François, Thomas et Matthieu ont été à la hauteur de ce défi et ont fait preuve d’un engagement mental et physique total. A terre, la cellule routage et toute l’équipe lorientaise ont également été admirables durant cette tentative. Je tiens à les remercier pour tout le travail effectué. Nous avons réussi le pari de faire rêver nos publics à travers cette aventure hors-norme. Cet abandon est bien sûr une déception pour tous. Mais il sera aussi formateur et apprenant afin d’aller relever nos prochains challenges. »

 

FAIRE LE DOS ROND pour en finir avec l’Indien

Evoluant toujours dans un océan Indien chaotique, Sodebo Ultim 3 fait cap plein est vers le Cap Leeuwin, distant ce vendredi matin d’un peu moins de 1000 milles de son étrave. Il accuse désormais un léger retard de 50 milles sur le tableau de marche d’Idec Sport.

 

 

L’océan Indien, qui avait été si favorable à Idec Sport il y a quatre ans lors de sa tentative victorieuse sur le Trophée Jules Verne, s’avère décidément bien plus capricieux pour Sodebo Ultim 3. Depuis qu’ils ont franchi le Cap des Aiguilles lundi matin, Thomas Coville et ses sept équipiers doivent en effet composer avec une mer croisée et formée qui les contraint à progresser vers l’est avec prudence.

 

Ce qui explique que leur avance accumulée à Bonne-Espérance sur le détenteur du record se soit transformée en léger retard ce vendredi matin (50 milles à 6h). Invité jeudi soir du live organisé chaque semaine au sein de la base du team à Lorient, Philippe Legros, qui compose la cellule de routage à terre avec Jean-Luc Nélias, analyse :

 

« Nous savions qu’Idec avait eu une trajectoire idéale dans l’océan Indien, parce qu’il avait gardé un phénomène météo très longtemps, ce qui lui avait permis de faire très peu de route et de manœuvres. C’est pour ça que nous voulions passer au Cap de Bonne-Espérance en avance. On mange un peu notre capital en ce moment, mais il reste encore énormément de terrain et on attend le Pacifique avec impatience, la trajectoire d’Idec y avait été moins limpide. Il y aura également beaucoup de choses à jouer dans la remontée de l’Atlantique. »

 

En attendant, l’équipage fait le dos rond et s’appuie sur sa cohésion pour traverser cette phase un peu plus compliquée pour les nerfs. Ce qu’a confirmé Thomas Coville lors du live :

 

« On a des garçons incroyablement solidaires, il y a une vraie complicité, une envie de vivre ensemble, le groupe a fait un pas en avant énorme au niveau de la cohésion, de la compétence et de la confiance, c’est magnifique à voir. »

 

Le skipper de Sodebo Ultim 3 a eu la surprise de pouvoir échanger avec l’entraîneur du quinze de France de rugby, Fabien Galthié, avec lequel il a noué des liens proches (ce dernier est même venu naviguer sur Sodebo Ultim 3) et dont il s’est lui-même inspiré pour endosser son rôle de sélectionneur de l’équipage. « C’est un peu surréaliste d’entendre Fabien Galthié dans la nuit noire au large des Kerguelen, c’est le kif total, incroyable ! ». Quant à celui qui, avec une équipe de France composée quasi exclusivement de néophytes, a fait trembler l’Angleterre dimanche dernier (défaite 22-19), il a confié, à l’adresse des huit « Sodeboys » : « Je voudrais leur dire toute l’admiration que j’ai pour eux, leur témoigner mon support inconditionnel. Dans cet équipage, j’ai vu de la passion, de l’humilité, de la force de caractère, ils vont y arriver ! »

 

Trophée Jules Verne 2020 : un observateur nommé Joyon

Francis Joyon est un observateur attentif des tentatives en cours et à venir contre le record du Trophée Jules Verne, tour du monde à la voile, en équipage et sans escale. Détenteur depuis 2017 du chrono référence, à bord du maxi trimaran IDEC SPORT, en compagnie d’un détonnant équipage composé d’Alex Pella, Gwénolé Gahinet, Bernard Stamm, Sébastien Audigane et Clément Surtel, et en un peu plus de 40 jours (40 jours, 23 heures, 30 minutes et  30 secondes, à 22,84 noeuds de moyenne), Francis souscrit volontiers à l’axiome « Un record est fait pour être battu ». Amoureux du beau geste marin, il privilégie cependant, et au delà du résultat, la manière, l’engagement humain, les belles trajectoires et les stratégies opportunistes qui écrivent l’histoire et créent véritablement la légende. Regard d’un expert ès Tour du monde sur les tentatives en cours de Thomas Coville (Sodebo) et à venir du tandem Cammas – Caudrelier (Gitana 17).

 

 

Le bel Atlantique Sud de Sodebo !
« Ce Trophée passionne tous les marins » résume, laconique, Francis Joyon. « Je ne suis donc pas étonné de voir le sérieux, le professionnalisme investis par des Teams aussi prestigieux que Sodebo et Gitana pour s’y aventurer. Ces équipes disposent de formidables machines, très complexes et dont j’ai plaisir à observer les performances. Je constate d’emblée que Gitana 17 a, comme nous à l’époque, fait le pari d’un équipage réduit, synonyme de légèreté. Il ne m’est cependant pas possible de juger des performances de l’équipe Caudrelier-Cammas sur leur tentative avortée. Je constate en revanche que Sodebo semble très rapide dans moins de 20-25 noeuds de vent. La combinaison de la légèreté, des foils et autres plans porteurs fonctionne parfaitement dans le vent medium, et sur mer relativement plate. Thomas et ses hommes ont été très bons en Atlantique Sud, et dans l’enchainement des systèmes météos. Leur vitesse dans le vent fort de cette semaine semble en revanche assez équivalente à la nôtre. »

 

Afrique – Australie en 4 jours et 9 heures !
A l’heure où nos écrivons ces lignes, Sodebo croise entre Kerguelen et l’île Heard, par 50° de latitude Sud. Un moment du parcours où le maxi trimaran IDEC SPORT débutait voici 4 ans une invraisemblable traversée de l’océan Indien, signant pas moins de 6 journées à plus de 850 milles, soit 35,45 noeuds de moyenne. Sodebo, très véloce en Atlantique Sud, parcourait le 5 décembre dernier 888,5 milles en 24 heures. IDEC SPORT en avait avalé 894, à 37, 25 noeuds de moyenne. A cette allure ébouriffante tenue en avant d’un front, Joyon et ses 5 « Incroyables » ralliaient le cap Leeuwin depuis son passage au cap des Aiguilles en 4 jours, 9 heures et  37 minutes, à la vitesse moyenne de 35,08 nœuds sur le fond (3 705 milles) ou 842 milles par 24 heures, soit 6 jours, 8 minutes ou 36 % de mieux que le précédent record de Loïck Peyron (Banque Populaire V). C’est à cette performance que Thomas Coville et ses 7 hommes d’équipage s’attaquent cette semaine. « C’est amusant de comparer les trajectoires, les choix de route dans des secteurs que l’on a fréquentés » poursuit Francis. « Je suis toujours très intéressé de voir ce que nous mêmes, à circonstances égales, aurions fait, en terme de stratégie mais surtout d’engagement. Où mettre le curseur de la performance et donc, de l’exigence humaine, dans des conditions données. J’aime quand les marins se donnent à fond, du début à la fin. »

 

Admiratif de Le Cam.
Francis Joyon étend aussi ses réflexions au Vendée Globe qu’il suit avec intérêt. Il ne fait guère secret de son admiration pour Jean Le Cam. « Je crois que Jean et moi avons une démarche similaire dans l’approche de nos courses » atteste-t’il. « J’admire beaucoup sa trajectoire depuis le départ, ses prises de risque assumées et maîtrisées. On voit que la réalité de la Nature reprend vite ses droits, et que des voiliers testés en Atlantique Nord réagissent de manière inattendue lorsque confrontés aux réalités du grand Sud, ses creux de 9 mètres et ses vents à plus de 55 noeuds. J’attends à présent le nouveau départ de Gitana. »

S’ADAPTER À SON ENVIRONNEMENT

Plus de 15 jours de mer pour Thomas Coville et ses sept équipiers qui sont passés dans la nuit de mercredi à jeudi sous les Kerguelen, avant d’empanner par 53° Sud juste devant l’île Heard, qui appartient à l’Australie. Après une journée à 29 nœuds de moyenne, Sodebo Ultim 3 reste en avance sur le tableau de marche d’Idec Sport (160 milles à 6h).

 

 

Température de l’air 2°, température de l’eau 2°C également, le froid est de rigueur ce jeudi matin à bord de Sodebo Ultim 3. Après être descendu très Sud, jusqu’à 53°, le trimaran est d’ailleurs en train de remonter en bâbord amure dans un vent plus maniable d’une vingtaine de nœuds pour longer une zone d’icebergs identifiée à tribord.

 

Mercredi, les conditions de vie à bord sont restées difficiles dans une mer formée, comme l’a raconté François Duguet :

 

« Je me sens bien, c’est un accomplissement d’être dans le Grand Sud, un rêve de gosse, même si je ne cache pas qu’il y a des petits moments un peu difficiles. L’Indien est un océan coriace, exigeant, la mer est dure depuis deux-trois jours, c’est vraiment difficile de se déplacer dans le bateau, il y a des accélérations et des décélérations constantes, la vie de tous les jours est assez sportive. Au début, on se fait un peu surprendre, on est d’ailleurs deux ou trois à s’être légèrement blessés, mais au bout de 36 heures, on s’adapte, le corps humain est capable de repousser ses limites. On se balade à quatre pattes pour préparer notre tambouille ; en ce moment, je suis quasiment couché sur la table pour ne pas me fracasser toutes les dix secondes à l’avant du cockpit, on trouve des astuces, on est un peu comme des animaux. On sait que le Trophée Jules Verne n’est pas un sprint, mais une course d’endurance, parfois, il faut savoir faire le dos rond. »

 

La contrariété du jour pour le boat-captain de Sodebo Ultim 3 : « L’huile d’olive a gelé, c’est très critique ! A bord, il y a toute une bande de Bretons qui ne mangent que du beurre, donc ils n’ont pas l’air de s’en offusquer, mais moi, ça me dérange énormément, parce que ça fait partie des éléments importants de mon alimentation, j’espère que le tabasco ne gèlera pas… »

 

Toujours très attentif au bateau, François Duguet en estime « le potentiel quasi-intact à ce stade », l’équipage s’aidant notamment des nombreux capteurs à bord, à la fois pour bien le régler, mais aussi pour mesurer les efforts qu’il supporte : « Comme on passe la plupart du temps confinés dans notre petite cellule devant le mât, les capteurs aident pour avoir de bons repères de réglages sur les appendices, les angles d’attaque des foils, et pour nous donner des informations sur les contraintes, même s’ils sont parfois mis à rude épreuve : ça arrive qu’ils nous envoient des informations erronées, dans ce cas, on essaie de contrôler visuellement, de sortir la tête par la fenêtre. »

 

Et à terre, l’équipe technique du team Sodebo veille au grain :

 

« L’analyse d’un ingénieur au bureau d’études, tranquille à son bureau, permet d’avoir des réponses et des infos plus précises que notre analyse à chaud à bord, confirme le marin de 39 ans. Je compare ça à la F1 : le pilote est sur la piste, concentré pour faire avancer la voiture, et sur la murette, il y a les ingénieurs qui voient défiler les chiffres et les analysent. Nous, c’est un peu pareil. »

 

LES KERGUELEN DANS LE VISEUR

Sodebo Ultim 3 a entamé dans la nuit de mardi à mercredi sa troisième semaine de mer dans un Océan Indien toujours assez chaotique. Ce qui explique des vitesses moins élevées que les jours précédents (25 nœuds sur 24 heures) et une avance sur Idec Sport qui diminue (235 milles à 6h). Thomas Coville et ses équipiers devraient passer la nuit prochaine sous les Kerguelen.

 

 

Depuis le passage du Cap des Aiguilles lundi matin, les « Sodeboys » ont le droit à la version « shaker » de l’Océan Indien avec du vent et une mer formée qui ne se laisse pas dompter facilement. Un Océan Indien qui rappelle quelques souvenirs à Sam Goodchild :

 

« Je connais déjà un peu le Sud, parce que j’avais fait une étape de la Global Ocean Race en Class40 entre Cape Town et Wellington en 2011 ; je suis aussi venu il y a deux ans avec Spindrift sur le Trophée Jules Verne, nous étions passés juste au sud des Kerguelen, il y avait un peu moins de mer, c’était un peu plus facile. »

 

Si les conditions de vie à bord actuelles ne sont pas évidentes, cette région du globe reste pour nombre de marins source de fascination : « C’est sûr que les mers du Sud et l’Océan Indien sont des endroits mythiques, confirme le natif de Bristol. Quand on est jeune, on entend plein d’histoires sur les tours du monde, le Vendée Globe, The Ocean Race, le Trophée Jules Verne, donc le fait d’y venir soi-même, c’est assez spécial, ça n’arrive pas dix fois dans une vie. On essaie d’en profiter, ce sont des expériences intenses qui vont nous rendre plus forts dans le futur et nous soudent aussi en tant qu’équipage. »

 

Comment se sent-il après deux semaines de mer ?

 

« Globalement, tout va bien. On a tous des mini-soucis, parce que ce n’est quand même pas simple ce qu’on fait vivre à notre corps : on ne dort pas comme d’habitude, on ne mange pas pareil, il n’y a pas cinq minutes dans la journée où ça ne bouge pas et où il n’y a pas de bruit, c’est usant, mais c’était prévu. Et on fait tout ce qu’on peut pour maintenir le corps comme le bateau en forme. »

 

Et pour se régénérer moralement, on envoie parfois des petits mots à ses proches, ce que fait régulièrement Sam Goodchild : « Je communique juste avec ma famille, c’est toujours sympa de garder le lien avec la terre, de voir ce qui se passe à la maison et ce qui nous attend quand on revient. On n’a pas énormément de temps à y consacrer, ce n’est pas très facile d’envoyer un mail avec le vent et les vagues, mais c’est un petit plaisir que j’arrive à prendre tous les deux-trois jours. »

 

A bord, l’équipage suit également les pérégrinations des marins du Vendée Globe, situés dans leur nord : « On regarde les classements sur l’ordinateur, c’est chouette à suivre, on est bien plus au sud qu’eux, mais on vit à peu près les mêmes choses aux mêmes moments », conclut celui qui rêve un jour de disputer la course autour du monde en solitaire.