Depuis son passage au large du Cap-Vert hier dans la matinée, le Maxi Edmond de Rothschild glissait à vive allure dans l’alizé de l’hémisphère Nord, en route directe vers l’équateur. Mais depuis quelques heures, les six marins du bord connaissent un changement de régime. Par 6° Nord, la zone de convergence Intertropicale se présente en effet devant les étraves du géant de 32 mètres. Avec elle, son lot d’aléas météo bien connu et toujours redouté par les marins qui la traversent. Après quatre jours de mer sur ce Trophée Jules Verne, Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs quatre équipiers attaquent le pot-au-noir avec 143 milles d’avance sur le record actuel.
À quelle sauce
La nuit dernière, avant de subir les premiers effets du pot-au-noir, Yann Riou nous livrait une bien agréable carte postale de la navigation à hautes vitesses dans les alizés. « On est sous les tropiques ça ne fait aucun doute ! » lançait d’emblée l’équipier média du bord. « Tout va bien à bord, les conditions des dernières 24 heures sont plutôt faciles. J’ai fait un petit quart hier soir et c’était le défilé des poissons volants. Ils passaient sur le filet, sous le filet. Ils décollaient à l’étrave et atterrissaient à l’arrière du bateau. On voit les sargasses aussi… La température de l’eau a considérablement augmenté ! Pourquoi je vous parle de la température de l’eau ? Parce que c’est celle que l’on ressent à l’intérieur du bateau. Et ça c’est le côté pas très sympa car dans la coque centrale il fait vraiment très chaud… cette chaleur assez moite. Ce n’est pas toujours facile de se reposer et de trouver le sommeil dans ces conditions. En revanche, sur le pont c’est très agréable, très ventilé. Actuellement on est en petit t-shirt et dans l’instant nous filons à 35 nœuds, 37 nœuds même sous pilote automatique. Nous ne l’avons quasiment jamais mis depuis le départ mais là ça marche bien. Nous faisons route vers le pot-au-noir. Et nous sommes impatients de savoir à quelle sauce nous serons mangés sur ce passage. 38, 40 nœuds nœuds là dans l’instant ! Il fait nuit noire, et c’est nuageux et nous avons le radar en marche pour observer une veille et regarder un peu devant. Ça va super vite avec une mer qui s’est bien aplatie depuis hier et ça permet d’exploiter le bateau à son potentiel.»
Sur les dernières 24 heures, le maxi-trimaran volant affichait en effet une vitesse moyenne de 32,5 nœuds, soit près de 800 milles parcourus sur la route. Mais ce jeudi 14 janvier ne sera pas mené à la même cadence. Si l’environnement ne cesse de changer dans la ZICT et qu’il est toujours difficile de prédire les conditions météos à venir malgré la qualité des prévisions et le savoir-faire du routeur météo du team, Marcel van Triest, le jeu lui est toujours le même. Trouver le meilleur passage possible, c’est-à-dire là où le vent continue de souffler un minimum, tout en visant un point de sortie pas trop ouest pour conserver un bon angle d’attaque pour aborder l’hémisphère sud.
Un premier record à portée d’étraves ?
Le premier record intermédiaire de ce tour du monde, homologué par le WSSRC, est celui entre Brest et l’équateur. Il est aujourd’hui et depuis 2019 la propriété de l’équipe suisse de Spindrift Racing en 4 jours 19 heures et 57 minutes. Avec une Zone de Convergence Intertropicale encore à traverser et qui semble active, ce chrono paraît difficile à aller chercher pour les hommes du Gitana Team. Mais avec le pot-au-Noir rien n’est sûr et il est permis de tout espérer… Pour cela, il faudrait que Charles Caudrelier, Franck Cammas, David Boileau, Yann Riou, Erwan Israël et Morgan Lagravière basculent la tête au Sud et franchissent la ligne virtuelle entre les deux hémisphères avant ce soir 22h30 !